
Figure énigmatique et paradoxale, Mohammed VI incarne une monarchie marocaine en pleine mutation. Entre héritage dynastique lourd, aspirations modernes et fragilités personnelles, son règne reflète les tensions d’un royaume pris entre tradition et modernité. Roi discret mais omniprésent, à la fois réformateur prudent et autorité incontestée, il façonne un pouvoir à son image : complexe, contrasté, parfois déroutant. Ce portrait explore les multiples facettes d’un souverain atypique, qui continue de surprendre autant par ses silences que par ses choix singuliers.
Mohammed VI, héritier du trône marocain, grandit dans un cadre familial strict et rigide, marqué par les attentes élevées de son père, Hassan II. Dès son plus jeune âge, il montre peu d’intérêt pour les études académiques, préférant les arts, la musique et les loisirs à une éducation qu’il perçoit comme une contrainte. Son père, autoritaire et exigeant, le pousse à travailler dur, notamment en droit constitutionnel, discipline dans laquelle il obtient des résultats modestes.
Mohammed VI, un héritier trop fragile et manquant de l’autorité
L’adolescence de Mohammed VI est aussi marquée par un désir de liberté et d’évasion. Il noue des amitiés improbables, comme celle avec un aviateur américain passionné de musique, qui lui offrent un aperçu d’un monde plus ouvert et décontracté, loin des traditions pesantes de la cour royale. Ce monde fermé se reflète notamment dans la vie au palais, où une quarantaine de concubines vivent cloîtrées, un système qu’il remettra en cause dès son accession au trône, en 1999, en les libérant.
La relation entre le jeune prince et son père reste tendue, Hassan II voyant en lui un héritier trop fragile et manquant de l’autorité nécessaire pour régner. La discipline est sévère, parfois violente, et le roi doute jusqu’au dernier moment de son choix de successeur, envisageant même d’écarter Mohammed VI au profit d’autres membres de la famille. Malgré cela, il respecte la tradition et ne bouleverse pas l’ordre de succession.
Mohammed VI et l’attaque contre le second époux de Lalla Latifa à Marrakech
Mohammed VI bénéficie du soutien protecteur de sa mère, Lalla Latifa, à qui il reste profondément attaché. Après la mort de son père, la relation familiale se complexifie lorsque sa mère quitte le Maroc pour la France et se remarie, un geste mal accepté par le roi. Cette tension privée se mêle à des événements publics, comme une attaque contre le second époux de Lalla Latifa à Marrakech, illustrant les fragilités derrière les murs du pouvoir.
Sur le plan professionnel, Mohammed VI suit une formation sérieuse, mêlant études juridiques et expériences militaires, notamment un stage à la Commission européenne. Cependant, son tempérament plus frivole l’attire vers les plaisirs de la vie nocturne et des loisirs, souvent au détriment de son implication politique. Il fréquente des cercles internationaux, privilégiant des relations avec les monarques du Golfe et des dirigeants africains, plutôt qu’avec les élites occidentales.
Désacralisation progressive de la monarchie : divorce d’avec Lalla Salma
Le roi se distingue par son goût prononcé pour le luxe, la fête et l’extravagance. Il multiplie les résidences dans plusieurs pays et aime s’afficher de manière décontractée, loin des codes traditionnels, tout en affichant une générosité importante envers ses proches et amis. Sa vie privée et son comportement parfois « bad boy » détonnent dans le paysage monarchique marocain et séduisent une partie de la population qui voit en lui un symbole de modernité et de puissance.
En 2017, Mohammed VI brise un tabou en rendant publique sa maladie, longtemps tenue secrète. Cette révélation marque une étape dans la désacralisation progressive de la monarchie. Peu après, son divorce d’avec Lalla Salma confirme cette évolution. Bien que ces transformations soient spectaculaires, elles ne remettent pas en cause la nature autoritaire du régime. Les libertés individuelles restent sévèrement limitées, et les dissidents subissent toujours une forte répression.
Volonté de réforme timide mais symbolique
Le règne de Mohammed VI conjugue héritage monarchique traditionnel et ouverture personnelle, marquée par un goût assumé pour les plaisirs de la vie et une volonté de réforme timide mais symbolique. Sa personnalité complexe, oscillant entre rigueur et légèreté, générosité et sévérité, incarne une monarchie en mutation, tentant de s’adapter à un monde en changement sans renoncer à ses fondements historiques.