
La scène semble presque irréelle. Sur une plage ensoleillée de Cabo Negro, station balnéaire luxueuse du nord du Maroc, Mohammed VI apparaît, souriant, décontracté, glissant sur un jet-ski en compagnie de ses enfants. Une vidéo, captée au milieu des vacanciers et largement relayée sur les réseaux sociaux, présente un roi détendu, presque insouciant. Mais un détail majeur trouble cette image estivale : le souverain n’était-il pas récemment apparu en public, marchant difficilement à l’aide d’une canne ?
Cette contradiction flagrante entre l’état de santé présumé du roi et sa soudaine aisance physique soulève des interrogations, des doutes, voire des soupçons. Comment expliquer qu’un homme affaibli, dont la condition physique semblait préoccupante il y a à peine quelques semaines, puisse aujourd’hui piloter un jet-ski en pleine mer sans la moindre gêne apparente ? Est-ce une mise en scène ? Une simple coïncidence ? Ou – comme certains internautes l’insinuent avec malice – était-ce vraiment lui ?
Une santé royale sous surveillance

Depuis plusieurs années, l’état de santé du roi Mohammed VI fait l’objet de nombreuses spéculations. Le souverain a subi plusieurs interventions médicales, notamment au cœur, et ses apparitions publiques se sont espacées. En mai dernier, une séquence vidéo l’a montré visiblement affaibli, marchant péniblement, soutenu par une canne. Ces images ont marqué l’opinion publique, alimentant l’inquiétude sur sa capacité à gouverner pleinement. Dans ce contexte, le voir quelques semaines plus tard en train de manœuvrer un jet-ski, un engin exigeant physiquement, a de quoi surprendre.
Il ne s’agit pas ici de juger le droit d’un chef d’État à profiter de vacances, mais de questionner la cohérence d’un récit officiel brouillé par des signaux contradictoires. Pour de nombreux Marocains, cette scène pose une question simple mais troublante : comment un homme dont la santé semble fragile au point de limiter ses déplacements peut-il soudainement se livrer à une activité aussi dynamique ? Cette incohérence ouvre la voie à des hypothèses plus ou moins crédibles, mais surtout, elle met en lumière un malaise plus profond : le manque de transparence autour de la santé du roi.
Un roi… ou un sosie ?
Face à ces contradictions, certains internautes ont franchi un pas supplémentaire. Sur X, Facebook et TikTok, plusieurs voix suggèrent que l’homme filmé sur le jet-ski pourrait ne pas être le roi lui-même, mais un sosie. Une idée qui pourrait paraître fantaisiste, voire complotiste, mais qui s’inscrit dans une longue tradition de doutes populaires dans les régimes peu transparents.
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Les théories abondent : le roi utiliserait un double pour apparaître dans certains événements non officiels, pour préserver son image ou masquer certaines difficultés de santé. Aucun élément tangible ne vient appuyer ces allégations, mais leur simple existence témoigne d’une chose : la confiance du peuple dans les récits officiels s’effrite, et le flou autour de la condition du monarque alimente les fantasmes.
Cabo Negro, la carte postale qui dérange
En l’absence de communication claire, tout devient sujet à interprétation. Et lorsque l’image contredit les faits récents, la rumeur prend le dessus. Au-delà de la question de santé, la séquence filmée à Cabo Negro renvoie à un contraste criant entre le quotidien du peuple marocain et le train de vie royal. La station balnéaire, réputée pour ses plages privées, ses résidences de luxe et son accès réservé à une élite, incarne le Maroc des privilégiés, loin du Maroc populaire, celui des familles en lutte contre la flambée des prix, la crise du logement et le chômage endémique.
Voir le roi profiter de ces lieux fastueux, alors que des millions de citoyens peinent à boucler leurs fins de mois, aurait déjà suffi à provoquer la polémique. Mais c’est bien la dissonance physique et médicale qui renforce le sentiment d’incompréhension, voire d’indignation. Depuis le début de son règne, Mohammed VI a cultivé une image de proximité avec son peuple. Des apparitions informelles, des déplacements sans protocole, des selfies avec les citoyens… Cette stratégie, longtemps saluée, semble aujourd’hui atteindre ses limites.
Une stratégie d’image en perte d’équilibre
Le Maroc traverse une période difficile, et plus que jamais, le peuple attend du roi non pas des démonstrations de vitalité, mais des engagements clairs, des décisions fortes, et un discours de vérité. Face aux défis économiques, sociaux et sanitaires, la question de la santé du chef de l’État ne peut rester un tabou. Elle concerne la stabilité politique du pays, la confiance citoyenne et la légitimité de l’action royale. Car une monarchie qui choisit l’image au lieu de la parole, la posture au lieu de la clarté, s’expose à une chose : l’érosion de la crédibilité.
La communication autour du roi repose sur des symboles forts, mais lorsque ces symboles deviennent incohérents, comme dans le cas de cette virée en jet-ski, ils perdent de leur efficacité, voire se retournent contre le pouvoir. Alors, jet-ski ou pas jet-ski, c’est bien la transparence qui manque. En l’absence d’un récit cohérent, le doute prospère, et la monarchie risque de s’éloigner encore un peu plus de son peuple. Soulever la question de savoir si le roi était physiquement capable de monter sur un jet-ski, ce n’est pas faire de la polémique gratuite. C’est pointer du doigt une incohérence qui révèle la nécessité pour la monarchie marocaine d’évoluer vers plus de clarté, de responsabilité et de sincérité.