
La controverse autour d’une possible hausse du prix du pain gagne en intensité au Maroc, alimentée par les divergences entre professionnels du secteur et défenseurs des consommateurs. Alors que les boulangers invoquent l’inflation et la flambée des charges pour justifier un réajustement tarifaire, plusieurs voix appellent à une transparence totale sur les coûts réels et à un contrôle renforcé du marché.
L’éventualité d’une augmentation du prix du pain suscite une vive inquiétude auprès des ménages marocains. Ce débat a été relancé par les récentes déclarations de la Fédération marocaine des boulangeries et pâtisseries, qui a laissé entendre qu’une hausse était possible en raison de l’inflation des coûts de production. Face à cette perspective, l’Observatoire marocain pour la protection du consommateur a réagi fermement, publiant un communiqué pour mettre en garde contre toute décision unilatérale qui fragiliserait le pouvoir d’achat des citoyens pour ce produit, considéré comme un pilier de la sécurité alimentaire nationale.
L’organisme de défense des consommateurs conteste la justification des boulangers fondée sur la cherté des matières premières et de l’énergie. Pour l’Observatoire, le fond du problème réside davantage dans l’opacité qui caractérise la structure des coûts du secteur, le manque de contrôle régulier de la qualité et le désordre régnant sur le marché de la farine. Cette absence de données précises et de transparence place le consommateur dans une position de vulnérabilité, incapable de vérifier la légitimité des arguments avancés pour justifier une révision des tarifs.
Un appel au respect de la loi et à l’audit du secteur
Sur le plan légal, l’Observatoire a rappelé que la réglementation impose l’affichage clair des prix et interdit formellement les ententes ou les hausses coordonnées injustifiées, conformément à la loi sur la liberté des prix et de la concurrence. L’organisation insiste sur la nécessité d’une surveillance accrue pour empêcher toute pratique anticoncurrentielle ou l’exploitation du besoin des citoyens pour cette denrée essentielle.
Pour désamorcer la situation, l’Observatoire préconise l’ouverture urgente d’un dialogue entre le gouvernement et les professionnels. Il réclame un audit complet pour déterminer le coût réel de production du pain et appelle à des sanctions contre les établissements qui modifieraient leurs prix sans base légale. En parallèle, les consommateurs sont invités à la vigilance, notamment en signalant les augmentations illégales et en privilégiant les boulangeries respectueuses de la réglementation. L’instance assure qu’elle restera mobilisée, prête à user de tous les recours légaux et médiatiques pour défendre les intérêts des familles marocaines.
Baisse des prix des légumes et de la viande
En mai dernier, face à la hausse des prix du gaz et de la farine, les boulangeries craignaient déjà une hausse des prix du pain. Ce qui les pousserait à diminuer la taille ou la qualité de ce produit pour préserver leur marge bénéficiaire. Cette hausse éventuelle des prix du pain ne ferait que susciter la colère des consommateurs marocains, notamment ceux à revenu faible, analysent des économistes, soulignant que le pain est un indicateur sensible de la stabilité sociale. Pour cette raison, ils invitent le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour garantir la disponibilité de ce produit vital et à un prix accessible.
Certains Marocains exprimaient des craintes quant à la capacité du gouvernement à continuer de subventionner le pain dont le prix est resté inchangé, alors que les prix des légumes et de la viande ont connu une certaine baisse, selon les données du Haut-commissariat au plan (HCP). La hausse des prix de la farine s’est répercutée sur le coût de fabrication du pain, a expliqué une vendeuse de pain, précisant que les petits vendeurs ont préféré ne pas augmenter le prix pour préserver leur clientèle. En revanche, ils ont réduit la taille du pain ou utilisent une farine de qualité inférieure pour la production.
Agir en urgence pour protéger le secteur du pain
Si la situation perdure, le pain de bonne qualité deviendra un luxe inaccessible pour les ménages à revenu faible ou modeste, craint la vendeuse qui affirme que plusieurs propriétaires de petites boulangeries traditionnelles menacent de fermer si les choses restent en l’état. La professionnelle invite le gouvernement à agir en urgence pour protéger ce secteur vital et préserver l’équilibre du marché. Pour un agriculteur dans la région du Gharb, la culture « décevante » du blé cette saison du fait de la rareté des précipitations, a entrainé une hausse des coûts de production, poussant de nombreux agriculteurs à réduire les surfaces cultivées ou à renoncer carrément à la culture.
Face à cette situation, il appelle l’État à soutenir les petits agriculteurs en mettant à leur disposition des intrants de production à des prix raisonnables, et à investir dans les technologies d’irrigation et de stockage pour garantir la production du pain en quantité et en qualité et contribuer ainsi à la stabilité du marché. Abdelkader Fassi Fihri, professeur d’ingénierie économique à l’Université euro-méditerranéenne de Fès, expliquera pour sa part que le prix du pain au Maroc subit « l’effet de contagion inflationniste », précisant que la subvention du prix de la farine par l’État ne couvre qu’une petite partie de la production destinée à la consommation. Selon lui, la solution à la crise du pain réside dans la restructuration de toute la chaîne de valeur agricole et alimentaire.




