
Face à une jeunesse marocaine en pleine effervescence, deux partis de la gauche institutionnelle, le PPS et le PSU, prennent position en faveur d’un apaisement politique. En proposant une amnistie générale pour les jeunes détenus du mouvement Génération Z Maroc, ils cherchent à transformer la contestation en dialogue national. Au-delà du geste symbolique, cette initiative traduit une prise de conscience : la Génération Z, née à l’ère du numérique et de la crise sociale, s’impose désormais comme un acteur incontournable du changement au Maroc.
La scène politique marocaine est en pleine effervescence. Le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) et le Parti Socialiste Unifié (PSU) viennent de déposer deux propositions de loi au Parlement pour instaurer une amnistie générale en faveur des jeunes détenus issus du mouvement Génération Z Maroc, arrêté à la suite des manifestations de septembre 2025. Cette initiative, s’appuyant sur l’article 71 de la Constitution, marque une étape dans la reconnaissance institutionnelle d’une jeunesse désormais au cœur des mobilisations sociales.
Une jeunesse en quête de justice et de dignité
Tout a commencé après le drame survenu à l’hôpital d’Agadir le 27 septembre 2025, où huit femmes enceintes sont décédées dans des conditions jugées inacceptables. Ce fait divers tragique a mis le feu aux poudres. En quelques jours, la colère a gagné Casablanca, Rabat, Fès, Tanger et d’autres grandes villes. Le bilan est lourd : trois morts, des centaines de blessés et des centaines d’arrestations. Face à cette vague d’indignation, un collectif de jeunes, GenZ 212, a émergé comme le porte-voix d’une génération en quête de justice sociale et d’équité.
Ces jeunes, hyperconnectés et habiles dans l’usage des réseaux sociaux, ont réussi à transformer une colère spontanée en un mouvement structuré et national. Leur mot d’ordre : justice, transparence et fin de la corruption. Leur méthode : la mobilisation numérique et, désormais, le boycott économique. Conscient des limites des manifestations de rue, GenZ 212 a lancé une nouvelle phase de son combat : un boycott ciblé des entreprises associées au chef du gouvernement Aziz Akhannouch.
Du pavé à l’économie : le boycott comme arme politique
Sous le slogan « Boycott économique pour la justice », le collectif appelle les Marocains à cesser d’acheter les produits et services liés au conglomérat Akwa Group, qui englobe notamment Afriquia Gaz, Oasis Café, Yan&One, Aksal Group, Aspen et Fairmont Hotel. Sur Instagram, TikTok et X, des milliers d’internautes partagent des visuels viraux listant les marques concernées. L’objectif est clair : exercer une pression économique directe sur les élites politiques.
Cette stratégie rappelle la campagne de 2018, qui avait provoqué une véritable onde de choc dans l’économie nationale et contraint le gouvernement à réagir face à la colère populaire. Aujourd’hui, le mouvement espère reproduire cet impact, fort d’une génération plus aguerrie et d’un pouvoir d’influence démultiplié par les réseaux sociaux. Au centre de la tempête, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch cristallise les critiques. Homme politique influent et puissant homme d’affaires, il incarne, pour une partie de la population, la confusion entre intérêts privés et responsabilités publiques.
Un cumul de pouvoirs de plus en plus critiqué
Sa présence dans des secteurs stratégiques, énergie, grande distribution, cosmétique, médias, hôtellerie, alimente le sentiment d’injustice, surtout dans un contexte de hausse du coût de la vie, de services publics défaillants et de chômage massif chez les jeunes. Pour GenZ 212, le boycott n’est pas un simple geste symbolique. C’est un acte de résistance économique destiné à forcer le pouvoir à réévaluer ses priorités. Le mot d’ordre « justice économique » se transforme en cri de ralliement d’une jeunesse qui veut désormais agir sur le terrain concret de la consommation.
C’est dans ce contexte que le PPS et le PSU plaident pour une amnistie générale en faveur des jeunes détenus de Génération Z Maroc. Pour Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, cette mesure serait un geste d’apaisement et une reconnaissance de la légitimité des revendications sociales portées par la jeunesse. Nabila Mounib, figure emblématique du PSU, souligne quant à elle l’importance de restaurer la confiance entre le peuple et les institutions. Les deux partis espèrent que cette initiative parlementaire, fondée sur la Constitution, ouvrira la voie à un dialogue national sur les libertés, la justice et la participation politique des jeunes.
L’amnistie, une demande à forte portée politique
Cette démarche n’est pas sans rappeler les appels à l’amnistie formulés, sans succès, pour les détenus du Hirak du Rif. Mais cette fois, la pression sociale et la puissance du numérique changent la donne. Au-delà de la question des détenus, le mouvement GenZ 212 révèle une transformation profonde du paysage politique marocain. Sur les réseaux sociaux comme dans la rue, la jeunesse impose désormais ses thèmes : lutte contre la corruption, équité économique, transparence électorale et efficacité des institutions.
Ces derniers mois, la pression populaire a même poussé plusieurs candidats soupçonnés de corruption à se retirer des législatives à venir. Une première dans l’histoire politique récente du royaume. Cette dynamique s’accompagne de signaux institutionnels : renforcement du rôle de l’Instance Nationale de la Probité et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC), débats sur la publication des patrimoines des élus et sur le contrôle des financements politiques. Autant de signes qu’un vent éthique souffle sur le Maroc, sous l’impulsion d’une génération connectée et déterminée.





