Au Maroc, Mohammed VI persiste dans la répression malgré l’avertissement venu de Madagascar


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Le roi du Maroc, Mohammed VI
Le roi du Maroc, Mohammed VI

Les condamnations tombées à Agadir mercredi 15 octobre contre 17 jeunes Marocains liés aux manifestations du collectif Gen Z 212 révèlent le visage de plus en plus autoritaire du régime de Mohammed VI. De trois à quinze ans de prison ferme, pour des faits commis lors de rassemblements dans la commune d’Aït Amira, voilà le prix à payer pour avoir osé manifester dans un pays où le pouvoir monarchique se ferme toujours plus au dialogue.

Les jeunes de la Génération Z réduits au silence carcéral

La jeunesse marocaine paie une fois encore le prix fort de son engagement. Les manifestations de début octobre n’étaient que le prolongement logique d’un ras-le-bol généralisé, nourri par des années de promesses trahies dans l’éducation, la santé, l’emploi. Dans un pays où l’élite vit hors sol, où les institutions se renvoient la balle dans une impunité endémique, les jeunes de la Génération Z ont voulu exister politiquement. Ils en sont réduits au silence carcéral.

Selon des sources judiciaires, les peines sont censées être exemplaires. Deux accusés ont écopé de trois ans, un autre de quatre ans, neuf de dix ans, trois de quinze, et un de douze ans. Officiellement, ces jeunes auraient participé à des actes de vandalisme, à l’incendie de véhicules de police et à des attaques contre des bâtiments publics et privés. Mais dans un pays où la justice est à la merci du pouvoir exécutif, comment croire que ces verdicts reflètent autre chose qu’un réflexe de peur d’un régime en perte de légitimité ?

Mohammed VI persiste dans une stratégie du bâton

Mohammed VI, qui a su cultiver à l’étranger l’image d’un monarque « moderne » et « réformateur », montre en réalité un visage bien différent à l’intérieur de ses frontières. Depuis plusieurs années, les arrestations arbitraires, les procès expéditifs et les peines démesurées s’enchaînent contre quiconque conteste l’ordre établi. L’affaire Gen Z 212 n’est qu’un épisode de plus dans une longue série d’abus d’autorité.

Cette répression brutale intervient dans un contexte régional de grande tension sociale. À Madagascar, les manifestations massives ont poussé le pouvoir à reculer sur plusieurs dossiers. Au Sénégal, les mobilisations de la jeunesse ont secoué jusqu’au sommet de l’État. Mais à Rabat, le régime préfère nier l’évidence et durcir le ton. Loin d’en tirer les leçons, Mohammed VI persiste dans une stratégie du bâton, incapable d’imaginer une réponse politique à une crise politique.

Mohammed VI tente d’écraser l’espoir d’un autre Maroc

Ce qui frappe, c’est l’aveuglement du pouvoir marocain. Plutôt que de reconnaître l’échec des politiques publiques, il choisit la criminalisation de la contestation. Plutôt que de dialoguer avec sa jeunesse, il l’enferme. Plutôt que de construire des ponts entre générations, il érige des murs de prison. Cette posture est dangereuse, non seulement pour les droits humains mais aussi pour la stabilité à long terme du pays.

La Gen Z marocaine n’est pas violente par nature. Elle est désespérée. Elle est déconnectée d’un système politique qui ne parle pas sa langue. Elle est étouffée par une économie verrouillée, un marché du travail inaccessible, une école qui reproduit les inégalités. Elle voit la richesse d’un pays accaparée par une minorité pendant qu’elle peine à se nourrir, à se loger, à espérer. En la condamnant à des années de prison, Mohammed VI ne fait pas que réprimer. Il tente d’écraser un espoir. Celui d’un autre Maroc.

La jeunesse finit toujours par revenir

L’argument de la préservation de la paix publique est devenu un paravent commode derrière lequel s’abritent les pires dérives autoritaires. Il permet de justifier l’injustifiable, de légitimer la violence d’État, d’imposer le silence comme seule alternative. Mais ce silence est trompeur. Il est celui qui précède les grandes secousses. Il est celui qui annonce l’épuisement d’un modèle. Ce modèle, c’est celui d’une monarchie absolue habillée de constitutionnalisme de façade. C’est celui d’un roi absent de la scène politique intérieure mais omniprésent dans les décisions d’envergure. C’est celui d’un État qui refuse de rendre des comptes, qui instrumentalise la justice, qui méprise sa jeunesse.

Le message envoyé par ces condamnations est clair. Le pouvoir n’entend rien. Il ne changera rien. Il punit pour faire peur. Mais l’histoire récente du continent africain montre que la peur ne suffit plus. À force d’être ignorée, la jeunesse finit toujours par revenir. Plus forte, plus décidée, plus solidaire. Le Maroc aurait pu écouter. Il a préféré frapper. Il aurait pu dialoguer. Il a choisi d’humilier. Il aurait pu réformer. Il a opté pour la répression. Cette obstination n’est pas seulement un aveu de faiblesse. C’est une immense faute politique, qui pourrait bien précipiter le royaume dans une spirale que plus aucune condamnation ne pourra arrêter.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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