Manifestations au Maroc aujourd’hui : GenZ 212 mobilise 14 villes, 8e jour de contestation


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Ce samedi 4 octobre 2025, pour la huitième journée consécutive, le mouvement GenZ 212 appelle à manifester dans 14 villes du royaume. Malgré une répression croissante et un bilan humain tragique, la jeunesse marocaine refuse de reculer et maintient sa pression sur le gouvernement.

Le collectif GenZ 212 a annoncé ce matin sur sa plateforme Discord les lieux de rassemblement pour cette nouvelle journée de mobilisation. Les manifestations sont programmées de 18h à 21h dans quatorze villes stratégiques : Rabat, Salé, Casablanca, Tanger, Tétouan, Agadir, Meknès, Marrakech, Mohammedia, Kénitra, El Jadida, Oujda et Fès.

Cette huitième journée consécutive de manifestations survient dans un contexte particulièrement tendu. Depuis le lancement du mouvement le 27 septembre dernier, les autorités ont procédé à plus de 400 interpellations, dont la plupart ont été suivies de libérations. Cependant, un premier groupe de 37 personnes doit comparaître devant la justice à partir du 7 octobre, tandis qu’un second groupe de 97 personnes attend également d’être jugé.

Une semaine marquée par l’escalade des violences

La semaine écoulée a été marquée par une escalade préoccupante. Dans la nuit du 1er au 2 octobre, trois personnes ont été tuées par la gendarmerie lors d’une tentative d’assaut contre une brigade à Lqliaâ, près d’Agadir. Selon les autorités, les assaillants cherchaient à s’emparer d’armes et de munitions après avoir incendié un véhicule et une partie du bâtiment.

À Oujda, un jeune manifestant a été grièvement blessé après avoir été percuté par un véhicule de police le 30 septembre. Il a été évacué par hélicoptère vers l’hôpital militaire de Rabat, une mesure que de nombreux internautes ont ironiquement présentée comme la preuve du bien-fondé des revendications sur l’état du système de santé public puisqu’un hopital militaire a été jugé plus performant par les autorités.

Le bilan officiel fait état de près de 300 blessés, principalement dans les rangs des forces de l’ordre, avec 263 agents blessés selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur. Les régions les plus touchées sont Inzegane-Aït Melloul, Oujda-Anja et Skhirat-Temara.

Un mouvement qui refuse de s’essouffler

Malgré la répression et les violences, GenZ 212 maintient son cap. Le collectif, qui compte désormais 150 000 membres sur Discord, insiste sur le caractère pacifique de ses manifestations et rejette « toute forme de violence, de vandalisme ou d’atteinte aux biens publics et privés ».

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, le mouvement a franchi un nouveau cap en appelant officiellement à la démission du gouvernement dans un communiqué adressé directement au roi Mohammed VI. Le collectif demande « la dissolution du gouvernement actuel pour son échec à protéger les droits constitutionnels des Marocains et à répondre à leurs revendications sociales », ainsi que l’ouverture d’un « processus judiciaire équitable » contre les responsables de corruption. Ils ont aussi interpellé Mohammed VI, dont la fortune et le luxe affiché jurent avec la pauvreté de la population et la dégradation des services publics.

Les manifestants scandent inlassablement les mêmes slogans : « Le peuple veut la santé et l’éducation (…) Nous voulons des hôpitaux, pas seulement des stades« . Ces demandes reflètent un profond malaise face aux priorités du gouvernement.

En effet, le royaume investit 9,5 milliards de dirhams (environ 890 millions d’euros) dans la rénovation de six stades et 5 milliards de dirhams (environ 469 millions d’euros) dans la construction du Grand Stade de Casablanca, en vue de la Coupe du monde 2030. Pendant ce temps, 36% des moins de 24 ans et 19% des diplômés sont au chômage, et les hôpitaux publics manquent cruellement de moyens.

Une réponse gouvernementale qui peine à convaincre

Face à l’ampleur de la mobilisation, le Premier ministre Aziz Akhannouch a affirmé la volonté du gouvernement de « répondre aux revendications sociales » et sa « disposition à dialoguer« . Le ministre de la Santé, Amine Tehraoui, a reconnu mercredi devant le Parlement que les réformes engagées restent « insuffisantes« .

Le directeur de l’hôpital d’Agadir, où huit femmes enceintes sont décédées en août, a été limogé. Mais ces mesures semblent insuffisantes pour apaiser une jeunesse qui réclame des changements structurels profonds.

Le mouvement dépasse désormais les frontières du royaume. Une antenne du mouvement en France organise ce samedi à 14h une manifestation pacifique place du Trocadéro à Paris. Les jeunes Marocains de France expriment leur « profonde inquiétude face à la répression qui s’abat sur le mouvement pacifique » et réaffirment leur « soutien total et inconditionnel » aux revendications portées par GenZ 212.

Dans leur communiqué, ils soulignent leurs demandes de « réforme du système de santé de manière à préserver la dignité du citoyen, le droit à une éducation publique de qualité garantissant l’égalité des chances, le droit à l’emploi et à une vie digne, ainsi qu’une véritable lutte contre la corruption fondée sur la responsabilité et la reddition des comptes« .

Un mouvement qui s’inscrit dans une vague mondiale

Le soulèvement marocain s’inscrit dans une vague plus large de mobilisations de la génération Z à travers le monde. Depuis 2022, des jeunes ont réussi à faire tomber des gouvernements au Sri Lanka, au Bangladesh et au Népal. Madagascar et le Pérou connaissent également des mouvements similaires.

Le symbole du drapeau pirate de Luffy, héros du manga One Piece, est devenu l’emblème commun de ces révoltes, représentant la lutte contre l’injustice et l’oppression. Ce drapeau flotte désormais dans les rues de Rabat, Casablanca et Marrakech, aux côtés du drapeau marocain comme dans les rues d’Antananarivo.

Zainab Musa
LIRE LA BIO
Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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