
Alors que le Maroc est secoué depuis plusieurs semaines par une vague de contestation portée par le mouvement GenZ 212, le pouvoir monarchique tente d’éteindre l’incendie par une salve de réformes annoncées en urgence. Le 19 octobre, à travers un communiqué du cabinet royal, Rabat a dévoilé une série de projets de lois et un budget colossal pour les secteurs sociaux, dans une tentative de calmer une jeunesse en rupture totale avec le système.
Au Maroc, face à la contestation populaire menée par le mouvement GenZ 212, le roi Mohammed VI, à travers le cabinet royal, a annoncé une série de mesures. Mais ces annonces, aussi ambitieuses soient-elles, ne peuvent masquer une réalité de plus en plus criante : la déconnexion du régime avec sa jeunesse. Les réformes tombent comme un rideau de fumée sur des condamnations judiciaires lourdes et une répression persistante, qui trahissent une peur du changement plus qu’une volonté sincère de réforme.
Réformes politiques au Maroc : une stratégie pour canaliser la colère des jeunes ?
Le pouvoir marocain a choisi de placer la jeunesse au centre de sa stratégie politique. Plusieurs textes de lois ont été adoptés pour moderniser la vie publique, notamment par la simplification des conditions de candidature électorale pour les moins de 35 ans, avec la promesse de couvrir jusqu’à 75% des frais de campagne. Officiellement, il s’agit d’encourager une participation active des jeunes au jeu politique.
Dans les faits, cela ressemble davantage à une opération de reconquête symbolique, destinée à contenir un rejet croissant des institutions traditionnelles. Les jeunes ne votent plus, ils manifestent, ils s’expriment sur les réseaux, ils contestent. Et pour le pouvoir, ce nouvel espace de lutte est plus difficile à contrôler. La réforme des partis politiques, incluant des mesures sur la transparence financière, la parité et l’inclusion, s’inscrit également dans cette logique d’ouverture. Mais ouvrir les portes d’un édifice en ruines ne suffit pas à convaincre une génération qui doute de sa légitimité même.
Santé et éducation au Maroc : un budget massif pour rattraper des années d’abandon
Pour tenter de répondre aux revendications sociales profondes, le gouvernement a annoncé un effort budgétaire historique : 140 milliards de dirhams seront alloués à la santé et à l’éducation dès 2026. Une promesse qui vise à apaiser la colère des citoyens face à des services publics défaillants, longtemps sacrifiés sur l’autel de l’austérité et de la gestion clientéliste.
Parmi les engagements phares :
- La création de 27 000 postes dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
- La mise en service de nouveaux CHU à Agadir et Laâyoune.
- La réhabilitation de 90 hôpitaux à travers le pays.
- Une accélération de la réforme scolaire, notamment en matière d’enseignement préscolaire et de soutien à la scolarité.
Ces mesures, bien que nécessaires, arrivent tardivement. Et leur efficacité dépendra largement de la capacité à les mettre en œuvre hors des logiques centralisées et corrompues qui gangrènent l’administration marocaine.
Répression judiciaire : la main de fer derrière le gant de velours
Alors que le palais annonce une ouverture politique, la réalité judiciaire raconte une toute autre histoire. Le 15 octobre, 17 jeunes militants du collectif GenZ 212 ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans de prison, dans le cadre de manifestations organisées à Aït Amira. Les charges, vandalisme, destruction de biens publics, sont graves. Mais le contexte dans lequel s’inscrit ce procès soulève des inquiétudes légitimes sur l’indépendance de la justice marocaine.
Ces verdicts, largement critiqués par les ONG, témoignent d’une volonté claire du régime : dissuader par la peur, criminaliser la protestation, faire taire une génération entière. Le contraste entre les réformes affichées et la sévérité des sanctions judiciaires révèle une contradiction fondamentale : le pouvoir marocain veut moderniser sans céder le contrôle, écouter sans dialoguer, réformer sans transformer.
Le Maroc face à une fracture générationnelle inédite
Jamais la distance entre la monarchie et sa jeunesse n’a été aussi grande. Les moins de 30 ans représentent plus de 50% de la population, mais ils sont absents des sphères de décision, précaires dans l’emploi, marginalisés par un système éducatif inégalitaire. Ils voient une élite vivre dans l’opulence pendant qu’eux peinent à décrocher un stage, un logement ou même un avenir.
La contestation actuelle n’est pas un feu de paille. C’est le reflet d’un mal profond, d’un modèle politique et économique à bout de souffle. La monarchie marocaine, pourtant présentée à l’international comme stable et réformiste, risque de s’enfermer dans une posture répressive contre-productive.
Maroc : réforme ou replâtrage d’urgence ?
Les annonces faites par le palais de Rabat, dimanche, auraient pu être perçues comme un tournant. Mais dans un pays où les promesses se succèdent sans impact réel sur le quotidien, la suspicion l’emporte sur l’adhésion. La jeunesse ne demande pas des discours, mais des actes. Elle ne réclame pas des réformes superficielles, mais un changement structurel.
Mohammed VI est aujourd’hui face à une décision plus qu’importante : faire de ces réformes le début d’une refondation démocratique, ou persister dans une illusion de réforme qui masque une fuite en avant autoritaire.