
Lors du lancement du complexe de moteurs d’avions Safran à Nouaceur, la présence du prince héritier Moulay El Hassan aux côtés du roi Mohammed VI signale une préparation accélérée au pouvoir. Cette mise en avant médiatique arrive au moment même où la jeunesse marocaine conteste le système sans pour l’instant remettre en cause la monarchie.
Une apparition stratégique lors d’un jalon industriel
La cérémonie de lundi 13 octobre à Nouaceur dépasse le cadre d’une classique inauguration. Ainsi, le roi Mohammed VI, accompagné du prince héritier Moulay El Hassan, a présidé le lancement du nouveau complexe de moteurs d’avions du groupe Safran, un investissement de 3,4 milliards de dirhams qui consolide la position du Maroc dans l’aérospatial mondial.
La présence du jeune prince de 22 ans lors de cet événement industriel high-tech revêt une importance particulière. Bien qu’il ait présidé seul de grands rassemblements économiques comme le Salon International de l’Agriculture (SIAM), sa présence aux côtés de son père lors de ce lancement industriel stratégique suggère une chorégraphie délibérée de préparation à la succession. En effet, généralement, Mohammed VI et Moulay Hassan sont réunis pour les évènements politiques ou religieux, mais pas pour les occasions économiques.
Construire un futur roi, dossier par dossier
Derrière les murs du palais, la préparation s’intensifie dans un climat de tension, la vieille garde de Mohammed VI crignant l’arrivée de ce jeune Prince qui leur retirera sans aucun doute leur influence. Le prince héritier dispose désormais de son propre bureau au sein du cabinet royal, lui permettant de se familiariser avec les rouages du pouvoir, et aurait participé à plusieurs conseils des ministres.
Il ne s’agit pas de symbolisme. À 22 ans, Moulay El Hassan a franchi le seuil de la majorité constitutionnelle, éliminant toute nécessité d’un conseil de régence en cas de succession. Il est juridiquement prêt. La question est de savoir s’il est également préparé opérationnellement.
Le complexe Safran abritera une usine d’assemblage et de test de moteurs LEAP-1A et un centre de maintenance et de réparation de moteurs d’avions de nouvelle génération. C’est exactement le type de projet qui parle à une jeune génération : high-tech, connecté internationalement et créateur d’emplois.
Cela alors que le secteur aérospatial marocain a vu ses revenus à l’export exploser, passant de moins d’un milliard de dirhams en 2004 à plus de 26 milliards de dirhams en 2024. Une transformation orchestrée sous le règne de Mohammed VI, mais faire participer son fils à cette réalisation envoie un message clair de continuité et de compétence. Et cela avec un Prince de la génération Z.
Le paradoxe de la Gen Z : rejet du système, pas du trône
C’est là que le paysage politique marocain devient fascinant. La GEN Z 212 du royaume, éduquée, connectée et franche, exprime sa frustration face à l’inertie bureaucratique, la corruption et les opportunités économiques limitées. Elle conteste le « makhzen » (la structure de pouvoir traditionnelle), critique les élites politiques et économiques, et exige de la responsabilité.
Pourtant, ce mécontentement épargne largement la monarchie elle-même. Les jeunes Marocains font la distinction entre l’institution royale, perçue comme un symbole d’unité nationale et de stabilité, et le système environnant qu’ils veulent réformer. Mais cela en grande partie car le prince héritier Moulay El Hassan incarne le changement que cette génération réclame tout en maintenant la continuité institutionnelle.
Sa préférence pour un style de leadership plus accessible et son refus de certaines tradition obsolète, comme le baise main, ainsi que sa formation moderne à la Faculté de Gouvernance et Sciences Économiques et Sociales de l’Université Mohammed VI Polytechnique (rompant avec la tradition familiale), et sa visibilité croissante lors de forums économiques suggèrent une conscience de cet équilibre délicat.
Le plan de succession : progressif, stratégique, délibéré
Ces derniers mois, le prince héritier a accueilli le président chinois Xi Jinping à Casablanca et s’est tenu aux côtés de son père pour recevoir le président français Emmanuel Macron, des apprentissages diplomatiques qui signalent des responsabilités croissantes. Mais ce sont les dossiers économiques qui comptent peut-être le plus. En positionnant Moulay El Hassan lors d’événements comme le lancement Safran où la création de 900 emplois directs et l’utilisation de technologies de pointe convergent, Mohammed VI démontre que son héritier n’est pas simplement une figure cérémonielle en attente. Il est formé comme un leader opérationnel qui comprend ce que les jeunes veulent le plus : emploi, innovation et opportunités.
Comme le secteur aérospatial marocain l’illustre, le royaume s’est transformé de manière spectaculaire en deux décennies. La question n’est pas de savoir si le changement viendra, mais qui le gérera. Ainsi, un jeune monarque bien préparé, maîtrisant le langage de la technologie et du développement, peut canaliser l’énergie de la Gen Z plutôt que de l’affronter.