
Entre procédures judiciaires, polémiques en ligne et interrogations sur la place de l’art dans l’espace public, plusieurs figures du rap francophone et maghrébin traversent une zone de turbulence. Les interpellations successives de Pause Flow au Maroc, de Maes entre la France, Dubaï et Rabat, ainsi que la détention de Morad en Espagne, remet sur la table des débats les limites de la liberté d’expression et la responsabilité des artistes. Ces affaires, aux contextes variés, montrent combien la carrière d’un rappeur peut basculer au rythme des décisions judiciaires.
Le climat est tendu autour de plusieurs figures de la scène rap francophone et maghrébine, dont les affaires judiciaires se multiplient et suscitent de vifs débats sur les réseaux sociaux. Dernier en date, l’artiste marocain Jawad Asradi, plus connu sous le nom de Pause Flow, a été interpellé mercredi dernier avant d’être présenté, dès le lendemain, au parquet. Ce dernier a ordonné sa poursuite en état d’arrestation, et le rappeur a été conduit le même jour devant le tribunal de première instance de Sefrou. L’examen de son dossier a finalement été reporté au 27 novembre.
Maes contraint de s’exiler à Dubaï
D’après une source proche de l’affaire, l’artiste est poursuivi pour le contenu de plusieurs morceaux diffusés sur sa chaîne YouTube officielle. Parmi les titres mentionnés figurent des chansons qui ont récemment provoqué des controverses, notamment Marionnette, Overdose et Doza. Les enquêteurs auraient interrogé le rappeur sur la signification de diverses expressions jugées ambiguës ou sensibles. Son avocat a plaidé pour une remise en liberté provisoire, évoquant un traitement suivi par son client pour lutter contre une addiction. Le juge a toutefois préféré maintenir Pause Flow en détention jusqu’à son audience.
Cette décision a immédiatement fait réagir de nombreux internautes, relançant les discussions autour de la liberté artistique et des limites fixées par la loi dans l’espace numérique marocain. La situation de Pause Flow survient alors qu’un autre rappeur francophone, Maes, se retrouve lui aussi pris dans un tourbillon judiciaire. L’artiste de 29 ans, originaire de Sevran, était recherché pour ne pas s’être présenté à un procès lié à une affaire de violences en réunion datant de 2018. Condamné par contumace à dix mois de prison et à 10 000 euros d’amende en juin 2024, il avait choisi de s’exiler à Dubaï, affirmant être visé par des menaces.
Un avenir judiciaire qui dépend des autorités marocaines
Son départ précipité avait déjà eu un impact direct sur sa carrière, puisqu’il avait dû annuler un concert majeur prévu à l’Accor Arena, un événement qu’il considérait comme une étape déterminante pour sa carrière. Cette annulation avait d’ailleurs alimenté les taquineries de son rival de longue date, Booba.
Selon des informations relayées par plusieurs médias, Maes aurait quitté Dubaï pour le Maroc le 18 janvier, redoutant une extradition vers la France après l’annonce d’une visite du ministre français de la Justice, Gérald Darmanin.
Mais c’est finalement au Maroc qu’il a été arrêté, malgré le fait que le pays n’extrade pas ses ressortissants. Son avenir judiciaire dépend désormais des décisions des autorités marocaines. Parallèlement, en Espagne, le rappeur Morad a été envoyé derrière les barreaux, en 2024. Sa semi-liberté avait été révoquée, le contraignant à retourner à la prison de Brians 2, alors qu’au départ, il passait ses nuits dans un centre ouvert de Barcelone en semaine, après avoir obtenu un régime de détention allégé.
De la fragilité des carrières artistiques
Incarcéré en avril 2024 pour une infraction routière datant de 2022, il purgeait une peine de six mois. Morad avait également reconnu en février 2024 sa responsabilité dans une altercation avec la police survenue en 2021 lors du tournage d’un clip à L’Hospitalet de Llobregat. Il avait alors accepté deux ans de prison assortis d’une amende, peine finalement suspendue à condition de ne pas récidiver. Quelques jours plus tard, il avait dû indemniser un agent de police qu’il avait filmé puis exposé sur les réseaux sociaux.
Déjà bien connu de la justice espagnole, le rappeur fait aussi l’objet de réquisitions lourdes : en mai, le parquet a demandé six ans de prison pour outrage à l’autorité et possession illégale d’arme, dans une affaire remontant à l’été 2021 pendant le couvre-feu sanitaire.
Ces différentes affaires, impliquant trois artistes aux trajectoires très différentes, alimentent un débat de plus en plus vif sur la responsabilité publique des créateurs, l’impact de leurs productions et la manière dont les autorités encadrent leurs activités.





