
Depuis plusieurs semaines, le Maroc est secoué par une vague de manifestations inédites portées par le collectif Gen Z212, un mouvement né en ligne qui mobilise des milliers de jeunes à travers le pays. Alors que le royaume s’apprête à accueillir la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, des voix s’élèvent pour s’interroger : les troubles sociaux pourraient-ils menacer l’organisation du tournoi ?
Tout a commencé le 27 septembre 2025, lorsque le groupe Gen Z212 a lancé un appel à manifester via la plateforme Discord. En quelques jours, le mouvement a explosé sur les réseaux sociaux : de 3 000 abonnés, la communauté est passée à plus de 188 000 membres, essentiellement des jeunes marocains, scolarisés ou en situation de précarité. Le nom du mouvement, « 212 », fait référence à l’indicatif téléphonique international du Maroc, un symbole d’ancrage national fort.
Porté par une génération hyperconnectée, le collectif revendique des réformes profondes en matière d’éducation, de santé, d’emploi et de justice sociale. Le taux de chômage des jeunes a atteint 36,7% en 2024, avec près d’un demi-million de jeunes de 15 à 24 ans sans emploi. L’élément déclencheur de cette mobilisation a été la mort tragique de huit femmes enceintes à l’hôpital public d’Agadir, faute de soins adéquats lors d’accouchements par césarienne. Pour les manifestants, cet événement incarne les défaillances systémiques du secteur public.
Une CAN 2025 menacée ?
Depuis fin septembre, les manifestations se sont multipliées dans plusieurs grandes villes marocaines, dont Rabat, Casablanca, Tanger, Fès, et Marrakech. Si la majorité des rassemblements se veulent pacifiques, certains ont dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. On dénombre 3 morts, plus de 400 blessés, ainsi que des incidents de pillages et d’incendies dans certaines localités. Il s’agit des troubles sociaux les plus importants depuis les manifestations du Printemps arabe en 2011, qui avaient conduit le roi Mohammed VI à engager une série de réformes politiques, mais aussi les plus violents depuis la révolte du Rif en 2016.
Face à cette instabilité, de nombreuses questions se posent quant à la capacité du Maroc à organiser sereinement la CAN 2025, prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026. Pourtant, Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine de football (CAF), se veut rassurant. En marge de la 47e Assemblée générale ordinaire de la CAF, tenue à Kinshasa, en République démocratique du Congo, il a déclaré : « Nous sommes absolument convaincus que la CAN se déroulera comme prévu. Le Maroc est le plan A, le plan B et le plan C ».
Un enjeu stratégique pour le Maroc
Motsepe a également affirmé que la CAF continuerait de travailler en étroite collaboration avec les autorités marocaines pour garantir « la CAN la plus réussie de l’histoire ». L’événement réunira 24 équipes, avec 9 stades répartis dans 6 villes hôtes. L’organisation de la CAN 2025 représente bien plus qu’un simple événement sportif pour le Maroc. Le tournoi est vu comme une vitrine de la capacité du pays à accueillir des événements de grande ampleur, dans la perspective notamment de candidatures futures pour la Coupe du Monde.
En 2023, le Maroc avait été désigné pays hôte par la CAF. Le gouvernement a investi massivement dans la rénovation des infrastructures sportives, des réseaux de transport et de l’hôtellerie, avec des budgets estimés à plusieurs centaines de millions d’euros. Mais aujourd’hui, ces investissements pourraient être compromis par la montée des tensions sociales. Des voix au sein de la société civile et de l’opposition estiment que les priorités budgétaires du pays doivent être réorientées vers les services publics de base, plutôt que vers l’organisation d’événements sportifs prestigieux.
Un test pour les autorités
À moins de trois mois du coup d’envoi de la CAN, les autorités marocaines sont confrontées à un test politique d’envergure : comment garantir la sécurité et la stabilité nécessaires au bon déroulement du tournoi, tout en répondant aux revendications légitimes de la jeunesse ? Le roi Mohammed VI, qui ne s’est pas encore exprimé publiquement sur le mouvement Gen Z212, est attendu sur ce terrain. La pression monte pour des mesures concrètes en matière d’accès à la santé, d’éducation, et surtout de lutte contre le chômage des jeunes.