Mali, tortures, prisons secrètes : l’enquête choc de Forbidden Stories sur les méthodes de Wagner


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Paramilitaires russes de Wagner
Paramilitaires russes de Wagner

L’enquête de Forbidden Stories, publiée le 12 juin 2025, révèle les exactions du groupe Wagner au Mali : tortures, enlèvements, détentions illégales dans six camps militaires. Des civils innocents, accusés à tort de terrorisme, subissent des sévices extrêmes. Malgré le retrait annoncé de Wagner, remplacé par l’« Africa Corps » sous contrôle russe, les méthodes violentes persistent. Le Mali, en proie aux attaques djihadistes, s’enfonce dans un cycle de violences où les civils demeurent les premières victimes.

Une enquête bouleversante publiée ce 12 juin 2025 par le consortium Forbidden Stories, en collaboration avec plusieurs médias internationaux, fait ressortir les exactions du groupe russe Wagner au Mali, où des pratiques de torture, d’enlèvements arbitraires et de détention illégale sont désormais documentées. Ces révélations s’appuient sur des témoignages de victimes, des images satellite, et des sources militaires maliennes anonymes.

Six camps militaires maliens sont identifiés comme centres de détention et de torture où les civils sont enfermés sans procédure judiciaire. Il s’agit des camps de Bapho, Nampala, Sévaré, Sofara, Kidal et Niafunké. Dans ces lieux, les prisonniers subissent des sévices extrêmes, parfois dans des conteneurs désaffectés de la MINUSMA, dans des conditions inhumaines : chaleur étouffante, manque d’eau, de nourriture et coups violents.

Les soldats maliens relégués à un rôle secondaire

Des survivants ont témoigné. Un humanitaire arrêté à Nampala décrit des séances de torture rythmées par de la musique russe, des coups portés avec des câbles électriques et des simulations de noyade. Un aide-soignant touareg, capturé près de Dioura, raconte son transfert en hélicoptère après une opération militaire brutale. Il échappa à la torture, mais fut averti par un codétenu : « Priez Dieu pour ne pas subir la même chose que nous ».

Les civils arrêtés sont en majorité des bergers, commerçants ou chauffeurs, soupçonnés sans preuve d’avoir des liens avec des groupes djihadistes comme le Jnim (affilié à al-Qaïda) ou l’État islamique au Sahel. Les arrestations sont opérées souvent par les mercenaires russes eux-mêmes, reléguant les soldats maliens à un rôle secondaire, selon un officier malien. Malgré les demandes de réponse adressées à Bamako, Moscou et Wagner, aucun commentaire officiel n’a été fourni. Une omerta est révélatrice du flou autour de la présence militaire russe au Mali, que les autorités n’ont jamais reconnue formellement.

Un changement de façade

Le contexte sécuritaire au Mali reste extrêmement préoccupant. Depuis plusieurs semaines, le pays est frappé par une série d’attaques djihadistes d’ampleur. Le Jnim et l’État islamique ont ciblé plusieurs camps militaires : à Dioura (40 morts), Boulikessi (environ 100 morts), Tessit (40 morts), entre autres. D’autres attaques ont visé Tombouctou, la frontière avec le Burkina Faso ou même des positions proches de Bamako. Face à cette violence, le régime malien maintient une communication qui minimise les pertes et affirme la montée en puissance de l’armée.

Alors que les attaques se multiplient, un tournant symbolique s’opère avec le départ annoncé du groupe Wagner, présent depuis décembre 2021. Ce retrait, annoncé le 6 juin 2025, n’est cependant qu’un changement de façade. Wagner est remplacé par le « Africa Corps », une force directement placée sous l’autorité du ministère russe de la Défense. Composée pour partie d’anciens membres de Wagner, cette entité promet une « continuité » dans l’action militaire.

Cycle de violences sans fin

Selon ses déclarations officielles, l’Africa Corps affirme que « rien ne changera » dans l’engagement russe au Mali. Une continuité qui inquiète, d’autant qu’elle laisse présager le maintien des méthodes brutales dénoncées par les ONG et les populations locales. Les réactions des groupes armés non étatiques ne se sont pas fait attendre. Le Jnim interprète ce retrait comme une victoire et appelle Moscou à apprendre des erreurs du passé.

Le Front de libération de l’Azawad (FLA), groupe rebelle indépendantiste, dénonce une simple substitution d’un bras armé à un autre et anticipe une poursuite des violations des droits humains. La guerre au Mali, vieille de quinze ans, semble s’enliser dans un cycle de violences sans fin. Malgré la rhétorique officielle d’un État fort, les témoignages recueillis par Forbidden Stories révèlent une autre réalité : celle d’un pays où les populations civiles, prises en étau entre les djihadistes et les forces régulières appuyées par des mercenaires, paient le prix fort.

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