
Sous la pression des forces de l’ordre espagnoles, les trafiquants de haschich en provenance du Maroc revoient leurs stratégies. L’Andalousie, longtemps considérée comme la porte d’entrée privilégiée du cannabis vers l’Europe, devient aujourd’hui un terrain à haut risque pour les réseaux criminels. Les opérations policières s’intensifient, obligeant les narcotrafiquants à dévier vers d’autres zones de la côte méditerranéenne.
La multiplication des contrôles en Andalousie pousse les réseaux à explorer de nouveaux itinéraires. En réaction, les autorités du sud de l’Espagne constatent une recrudescence des tentatives de débarquement dans les régions plus au nord, comme Murcie, Valence ou même la Catalogne. La Guardia Civil a intercepté plusieurs embarcations chargées de cannabis le long du littoral oriental espagnol, entre Murcie et Tarragone. Cette zone, située à plus de 1 000 kilomètres de Cadix, montre bien le changement de cap opéré par les trafiquants.
Jusqu’à présent, les côtes proches de La Línea de la Concepción, véritable bastion des cartels andalous, concentraient la plupart du trafic maritime. Depuis le mois de mars, les autorités signalent au moins une opération anti-drogue par mois sur la Costa Dorada. Un chiffre modeste comparé à l’Andalousie, où ces interventions ont lieu presque chaque semaine. Mais cette évolution géographique marque une mutation des méthodes criminelles face à un climat de plus en plus hostile dans le sud.
Une stratégie répressive qui s’élargit
Pour contrer cette adaptation des trafiquants, le gouvernement espagnol a décidé d’élargir la zone de couverture de ses opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants. Initialement concentrées sur les provinces de Cadix, Malaga et Huelva, ces actions sont désormais étendues à d’autres territoires andalous comme Séville, Almería et Grenade. Le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a réaffirmé l’engagement de l’État à maintenir la pression jusqu’en 2023 et au-delà. Depuis le lancement de cette vaste offensive en 2020, les résultats sont spectaculaires : plus de 60 000 arrestations et 814 tonnes de drogue saisies à travers l’Andalousie.
Le Campo de Gibraltar, région frontalière avec le Maroc, est depuis longtemps un épicentre du trafic de haschich. Entre août 2018 et mai 2020, cette zone a vu l’arrestation de 1 806 individus, la saisie de 268 tonnes de résine de cannabis, 1 092 véhicules motorisés et 311 embarcations utilisées par les trafiquants. Parmi les cibles d’envergure de ces opérations figurent certains des plus influents barons de la drogue. Le plus célèbre d’entre eux, surnommé le « Messi du haschich », ainsi que le chef du redouté réseau « Los Castañas », ont été arrêtés. Ce dernier est soupçonné d’avoir contrôlé jusqu’à 70% du trafic de cannabis entrant en Europe via l’Andalousie.
De nouvelles techniques, de nouveaux risques
L’évolution géographique du trafic s’accompagne aussi de changements technologiques et logistiques. Les narco-voiliers, difficilement repérables, sont de plus en plus utilisés. Depuis 2021, certains d’entre eux ont été localisés dans des villes de l’intérieur comme Cordoue, et bénéficient d’un accès rapide aux côtes de Malaga et Cadix via un réseau routier dense. Ce nouveau modus operandi complique la tâche des forces de l’ordre, qui doivent désormais surveiller les voies maritimes, les ports intérieurs et les axes routiers secondaires. Les trafiquants, de plus en plus sophistiqués, investissent dans des moyens de transport rapides et discrets pour contourner les dispositifs de surveillance classiques.
Malgré les efforts des autorités espagnoles et la coopération avec d’autres pays européens, le trafic de haschich entre le Maroc et l’Espagne semble difficile à éradiquer. Chaque pression exercée sur un point du réseau entraîne son déplacement vers une nouvelle faille, une nouvelle route ou une nouvelle méthode. Mais la stratégie de Madrid semble porter ses fruits. En resserrant l’étau autour des points névralgiques du narcotrafic, le gouvernement pousse les réseaux à commettre plus d’erreurs, à s’exposer davantage et à multiplier les prises de risques. Ce qui permet d’intensifier les saisies et d’affaiblir progressivement l’infrastructure logistique des cartels.