
L’opportunité de la Fête du Trône 2025, a été saisie par le Maroc pour marqué une étape en matière de justice pénale avec l’annonce d’une grâce royale massive. Près de 20 000 détenus ont vu leur sort révisé, dans le cadre d’une démarche à la fois symbolique et opérationnelle. Cette mesure, inédite par son ampleur, alimente les débats sur la gestion des prisons, le rôle de la réinsertion et les perspectives de réforme du système judiciaire marocain.
À l’occasion de la Fête du Trône 2025, une mesure exceptionnelle de clémence a été annoncée au Maroc : 19 673 personnes ont bénéficié d’une grâce royale. Le ministère de la Justice, à l’origine de la communication officielle, précise que cette initiative se divise en deux volets : une grâce ordinaire dans le cadre des pratiques habituelles, et une opération exceptionnelle, encadrée par des critères spécifiques.
Parmi les bénéficiaires, 2 415 personnes ont été graciées dans le cadre classique. Ce groupe inclut :
- 2 239 détenus ayant obtenu une réduction ou une commutation de leur peine :
- 16 ont bénéficié d’une grâce sur le reliquat de leur peine,
- 2 218 ont vu leur peine réduite,
- 5 ont vu leur condamnation à perpétuité transformée en peine à temps.
- 176 personnes en liberté ont également vu leur peine allégée, annulée ou leur amende effacée.
Une initiative et des interrogations
En parallèle, une opération qualifiée d’exceptionnelle par les autorités a concerné 17 258 détenus, selon des critères spécifiques, non détaillés publiquement. Cette partie de la grâce se compose de :
- 17 121 personnes ayant obtenu une réduction ou une annulation de peine,
- 114 condamnations à perpétuité commuées en peine à temps,
- 23 peines de mort transformées en perpétuité.
La grâce royale constitue un outil prévu par la Constitution marocaine, régulièrement utilisé à l’occasion d’événements nationaux. Toutefois, l’ampleur de la mesure annoncée en juillet 2025 est inédite en termes de volume. L’opération pourrait s’inscrire dans un effort de gestion de la population carcérale, souvent jugée excessive par des observateurs nationaux et internationaux. Elle relance également les discussions autour des objectifs de la peine, du rôle de la réinsertion dans la politique pénale, ainsi que des conditions de détention au Maroc.
Portée sociale et judiciaire de la grâce royale
Cette mesure suscite plusieurs interrogations : s’agit-il d’une réponse ponctuelle à des pressions conjoncturelles ou d’un premier jalon vers une réforme plus large du système pénitentiaire et judiciaire marocain ? Pour l’heure, aucune annonce n’a été faite en ce sens par les autorités compétentes. Les modalités exactes de sélection des bénéficiaires n’ont pas été rendues publiques, ce qui ne permet pas de mesurer la portée sociale et judiciaire de l’opération dans le détail.
Depuis son accession au trône en 1999, le roi Mohammed VI a régulièrement recours au droit de grâce, un pouvoir constitutionnel qui lui permet d’annuler ou de réduire une peine judiciaire. Cette prérogative est traditionnellement exercée lors d’occasions spécifiques comme la Fête du Trône, l’Aïd el-Fitr, l’Aïd el-Adha ou l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple. Des grâces collectives d’ampleur variable ont été accordées au fil des années, mais le chiffre de 2025 (19 673 personnes) constitue un record.
Grâces ayant parfois suscité des controverses
À titre de comparaison : en 2020, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, 5 654 détenus avaient été graciés afin de limiter les risques sanitaires dans les établissements pénitentiaires. En 2022, à l’occasion de l’Aïd al-Adha, environ 1 769 personnes avaient bénéficié d’une grâce royale. En 2023, la grâce avait concerné un peu plus de 2 000 personnes, avec un accent mis sur les détenus ayant présenté des signes de bonne conduite ou des situations familiales sensibles.
Certaines grâces ont parfois suscité des controverses, notamment lorsque des condamnés pour des faits graves, y compris à caractère sexuel ou politique, figuraient parmi les bénéficiaires. Le cas le plus notable reste celui de Daniel Galván, un ressortissant espagnol condamné au Maroc pour pédophilie, gracié en 2013, ce qui avait provoqué une vague d’indignation nationale. Le roi était revenu sur sa décision face à la pression publique, fait rare dans l’histoire des grâces royales.