RDC, Accord de Washington : deux mois après, la mise en œuvre patine mais les parties affichent leur détermination


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Paul Kagame et Félix Tshisekedi
Paul Kagame et Félix Tshisekedi

Deux mois après la signature de l’Accord de paix de Washington entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, les acteurs réunis au sein du Comité mixte de surveillance reconnaissent la lenteur dans son application mais réaffirment leur engagement à assurer sa mise en œuvre « complète et rapide ».

Réunis mercredi 3 septembre 2025 en présence des représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, du Qatar, du Togo – facilitateur de l’Union africaine (UA) – et de la Commission de l’UA, les membres du Comité ont dressé un constat mitigé. « La mise en œuvre connaît des retards significatifs, mais nous demeurons déterminés à garantir son succès », a rapporté le Département d’État américain dans un communiqué.

Un accord ambitieux mais en panne de résultats

Signé le 27 juin 2025 sous médiation américaine, l’Accord de Washington repose sur deux piliers : sécuritaire et économique. Sur le premier volet, il prévoit la cessation des hostilités entre les armées congolaise et rwandaise, le respect de l’intégrité territoriale des deux États et la fin de tout soutien aux groupes armés, notamment les FDLR et l’AFC/M23. Il établit aussi un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire basé sur le concept d’opérations de Luanda (2024).

Sur le plan économique, l’accord ambitionne de renforcer la coopération bilatérale à travers des projets communs en hydroélectricité, la gestion des parcs transfrontaliers et la traçabilité des minerais stratégiques, avec un rôle accru des États-Unis comme investisseur.

Pourtant, selon le Baromètre des Accords de Paix en Afrique, les résultats sont faibles. Sur les 30 tâches prévues, seules 14 ont été partiellement exécutées, représentant un taux global d’exécution de 19,1%. « Les avancées sont surtout institutionnelles et diplomatiques, mais peu de résultats concrets se font sentir sur le terrain », note l’organe indépendant.

Des tensions persistantes dans l’est de la RDC

Les discussions du Comité ont mis en lumière les défis sécuritaires. Des violences continuent d’ensanglanter l’est congolais, où les rebelles de l’AFC/M23 continuent de régner en maître dans les deux Kivu.Dans ce contexte, le Comité a salué la prochaine réunion du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (MCCS), censée accélérer la neutralisation des FDLR et la levée progressive des mesures défensives prises par le Rwanda. Kinshasa a réaffirmé qu’il n’existait « aucune politique de soutien aux FDLR », tandis que Kigali a reconnu « l’importance de veiller au respect de l’intégrité territoriale de la RDC ».

Les deux parties ont convenu de mettre en place un canal technique de renseignement militaire pour un échange direct d’informations, en amont de la prochaine rencontre prévue à Doha.

Le rôle du Qatar et les négociations parallèles

Parallèlement, Doha poursuit ses efforts de médiation dans les pourparlers entre Kinshasa et l’AFC/M23. Ces négociations, tenues en août mais encore inabouties, sont jugées essentielles à la stabilisation de l’est de la RDC. Le Qatar, soutien clé du processus, a réaffirmé sa volonté d’accompagner les deux volets – Washington et Doha – dans une approche complémentaire.

Cependant, le calendrier fixé à Doha, qui prévoyait la signature d’un accord de paix global le 17 août 2025, n’a pas été respecté. Les mesures de confiance, notamment la libération de prisonniers et le retrait de certaines positions militaires, n’ont pas été mises en œuvre, accentuant le scepticisme autour du processus.

Entre volonté affichée et doutes persistants

Autre avancée relevée par le Comité : la fusion des secrétariats techniques de la SADC, de l’EAC et de l’UA en un secrétariat conjoint indépendant. Cette centralisation vise à renforcer la cohérence des initiatives régionales jusque-là dispersées. La RDC et le Rwanda ont aussi réaffirmé leur engagement à faciliter le retour des réfugiés, conformément aux conclusions de la réunion ministérielle tripartite du 8 août.

Si les acteurs internationaux – États-Unis, Qatar, Union africaine – affichent une détermination à maintenir le cap, la réalité sur le terrain rappelle que l’accord reste fragile. Les violences se poursuivent, les négociations de Doha piétinent et le taux d’exécution global demeure faible.

À ce stade, l’Accord de Washington semble illustrer plus une dynamique diplomatique qu’une transformation concrète de la crise sécuritaire. Reste à savoir si la volonté politique des signataires pourra se traduire en actes tangibles dans les prochains mois, condition indispensable pour espérer une paix durable dans l’est congolais.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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