
La situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) continue de se détériorer. Le groupe armé AFC/M23 est de nouveau accusé de graves exactions contre les civils. Les États-Unis ont élevé la voix en demandant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Si la fermeté de Washington marque une étape diplomatique importante, elle révèle aussi un profond agacement face à la répétition de crises similaires dans cette région instable, où les cycles de violences semblent se perpétuer sans fin.
Des accusations graves et répétées
Depuis plusieurs semaines, plusieurs organisations internationales, notamment le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International, tirent la sonnette d’alarme sur la situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC. Elles dénoncent des crimes graves imputés aux combattants du groupe AFC/M23 : meurtres, viols, attaques ciblées contre des civils.
Dans un communiqué, le Département d’État américain a qualifié ces actes d’« horribles exactions » et a exigé des conséquences concrètes contre leurs auteurs. Plus encore, les États-Unis pointent la responsabilité de tous les acteurs qui compromettent « la paix, la stabilité et la sécurité », sans toutefois les nommer explicitement. Une manière de laisser entendre que d’autres puissances ou groupes impliqués sur le terrain pourraient également être concernés.
Un agacement croissant de la diplomatie américaine
Ce n’est pas la première fois que Washington intervient diplomatiquement sur le dossier congolais. Le 15 août, le conseiller principal pour l’Afrique au département d’État, Massad Boulos, avait déjà condamné la recrudescence des violences dans l’Est de la RDC, en insistant sur la nécessité d’une application rigoureuse de l’accord de paix signé à Doha entre Kinshasa et le groupe armé AFC/M23. Plus tôt encore, le 8 août, le Département du Trésor américain avait imposé des sanctions contre cinq entités accusées de participer à l’exploitation illégale et à la contrebande de minerais dans la région minière de Rubaya.
Ces sanctions visaient à couper les sources de financement des groupes armés. Ce regain d’activisme diplomatique trahit en réalité une frustration américaine : les accords sont signés mais rarement mis en œuvre. Le cessez-le-feu prévu dans la Déclaration de principes de Doha semble déjà caduc, au vu des violences persistantes.
Le poids d’un passé lourd : des précédents dans l’histoire de la RDC
L’actuelle crise dans le Nord-Kivu n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis les années 1990, la région de l’Est congolais est marquée par une instabilité chronique alimentée par des conflits armés, des ingérences étrangères et une compétition pour le contrôle des ressources naturelles. Le M23 n’en est d’ailleurs pas à sa première apparition. Ce groupe rebelle avait déjà occupé la ville de Goma en 2012, avant d’être officiellement défait en 2013 suite à une campagne militaire conjointe de l’armée congolaise et de la brigade d’intervention de la MONUSCO (Mission de l’ONU en RDC).
À l’époque, le Rwanda avait été accusé de soutenir les rebelles, une accusation que Kigali a toujours niée mais qui continue de planer aujourd’hui. De même, dans les années 2000, la présence de groupes comme le FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) et les Maï-Maï avait rendu la région pratiquement ingouvernable, contribuant à l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de cinq millions de morts selon certaines estimations.
Solution durable difficile à mettre en œuvre
La résurgence des violences n’est pas uniquement le fait d’un groupe armé isolé. L’Est de la RDC est une région convoitée pour ses immenses ressources naturelles : coltan, or, cassitérite, et autres minerais stratégiques essentiels à l’industrie mondiale. Cette richesse attire non seulement des groupes armés locaux et étrangers, mais aussi des intérêts économiques transnationaux, souvent impliqués dans la contrebande et l’exploitation illégale.
Par ailleurs, la proximité avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi complique davantage la situation. Les rivalités géopolitiques, les alliances régionales fragiles, les conflits identitaires et le vide sécuritaire local se combinent pour rendre toute solution durable particulièrement difficile à mettre en œuvre. La réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, réclamée par les États-Unis, pourrait représenter un tournant si elle permet de mobiliser des sanctions ciblées et une pression internationale accrue sur les acteurs impliqués. Mais les expériences passées incitent à la prudence.