Présidentielle 2025 au Cameroun : Issa Tchiroma Bakary revendique la victoire avant l’annonce officielle des résultats


Lecture 4 min.
Issa Tchiroma Bakary
Issa Tchiroma Bakary

À peine deux jours après le scrutin présidentiel au Cameroun, l’opposant Issa Tchiroma Bakary a déclaré avoir remporté l’élection. Une prise de parole controversée, qui intervient dans un climat de méfiance généralisée envers les institutions électorales et le pouvoir en place.

Une déclaration surprise sur les réseaux sociaux

C’est sur sa page Facebook officielle qu’Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre devenu figure de l’opposition, a lancé une bombe politique, ce mardi 14 octobre 2025 : selon lui, la victoire lui revient sans équivoque, et il entend bien la faire respecter. « Notre victoire est claire. Elle doit être reconnue et respectée par tous », a-t-il affirmé dans une déclaration vidéo largement partagée. Le candidat a promis de publier un rapport détaillé avec les résultats région par région pour appuyer sa revendication. Il met ainsi au défi le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.

Le Cameroun, toujours en attente des résultats officiels, vit depuis dimanche une période d’incertitude. Le Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats définitifs, dispose légalement jusqu’au 26 octobre pour se prononcer. Mais dans un pays où la confiance envers les institutions électorales est fortement érodée, les déclarations anticipées de victoire par des candidats de l’opposition ne sont pas nouvelles. En 2018 déjà, Maurice Kamto avait revendiqué la victoire avant d’être arrêté, déclenchant une vague de répression.

Le poids de Paul Biya et la crainte d’un scrutin verrouillé

Face à cette nouvelle revendication de victoire, le gouvernement a rapidement réagi. Lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a rappelé la législation en vigueur : « Il est strictement interdit à tout candidat de proclamer les résultats. Seul le Conseil constitutionnel a cette prérogative. C’est une ligne rouge à ne pas franchir ». Les autorités mettent en garde contre les « troubles à l’ordre public » que pourraient générer ces annonces anticipées. Pour l’instant, aucun taux de participation n’a été communiqué, ni même de chiffres partiels issus du scrutin.

Le Président sortant, Paul Biya, âgé de 92 ans, se présente pour un nouveau mandat. Il dirige le pays sans partage depuis plus de 43 ans, et les scrutins passés lui ont toujours donné une victoire écrasante, souvent au-delà de 70% des suffrages. Cette longévité exceptionnelle, couplée à un système électoral opaque, nourrit depuis des années les soupçons de fraude massive. Nombreux sont les Camerounais qui craignent que le processus électoral soit une simple formalité en faveur du pouvoir en place, malgré la participation active de plusieurs candidats d’opposition.

La stratégie de Tchiroma : peser sur l’opinion avant l’annonce des résultats

Issa Tchiroma Bakary, longtemps perçu comme un allié du régime avant de passer dans l’opposition, semble désormais vouloir jouer la carte du rapport de force médiatique. En s’appuyant sur des données qu’il affirme « fiables », il entend mobiliser l’opinion publique pour empêcher toute manipulation des résultats. La promesse de publier un rapport détaillé par région pourrait permettre de vérifier la cohérence de ses propos, mais aussi de servir de base à une éventuelle contestation juridique, si les résultats officiels s’avéraient différents.

Le précédent de 2018, où Maurice Kamto avait été emprisonné plusieurs mois après avoir revendiqué la victoire, plane comme une menace. La répression des manifestations, les arrestations massives, et la surveillance accrue des réseaux sociaux sont devenues la norme dès qu’un candidat ose défier l’autorité du Conseil constitutionnel. Les partisans de Tchiroma craignent donc que leur leader subisse le même sort. Cependant, certains analystes estiment que le contexte a évolué, et que le pouvoir pourrait cette fois adopter une stratégie plus prudente, au vu de la pression internationale sur le Cameroun en matière de respect des droits politiques.

Avatar photo
Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News