Paul Biya n’a pas besoin de battre campagne pour se faire réélire


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Paul Biya
Le Président du Cameroun, Paul Biya

À cinq jours du scrutin présidentiel au Cameroun, Paul Biya a tenu, ce 7 octobre 2025, son tout premier meeting de campagne à Maroua, dans la région du Nord. Un événement presque symbolique, tant l’issue de l’élection semble déjà scellée pour bon nombre d’observateurs. Après plus de quatre décennies au pouvoir, le président sortant se présente pour un huitième mandat, avec une certitude tranquille : celle de sa réélection probable, voire inévitable. Et ce, sans avoir à véritablement battre campagne.

En se rendant à Maroua, Paul Biya n’a pas simplement renoué avec une tradition électorale, celle de débuter sa campagne dans le Septentrion, bastion électoral historique du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), il a aussi envoyé un message clair : l’essentiel est ailleurs. Pas dans les discours enflammés, pas dans les promesses, pas dans la compétition politique. À 92 ans, fort de 43 ans de règne, Biya se contente d’un meeting sobre, presque rituel, à quelques jours du scrutin.

Une opposition morcelée et affaiblie

Le Président camerounais semble s’appuyer sur une stratégie de l’immobilisme électoral : laisser le temps, l’appareil d’État et la puissance du parti au pouvoir faire leur œuvre. En réalité, Paul Biya n’a plus besoin de convaincre ; sa réélection repose davantage sur une mécanique bien huilée que sur une confrontation démocratique équitable. Face à lui, la compétition est peu menaçante. Parmi les onze candidats officiellement en lice, deux se sont déjà désistés au profit de Bello Bouba Maïgari. Ce dernier, bien qu’expérimenté, peine à incarner une véritable alternative.

D’autres mouvements politiques, comme Stand Up for Cameroon, dénoncent un processus électoral biaisé mais n’ont pas présenté de candidat. Leur appel à « voter en conscience » plutôt qu’à s’abstenir illustre le désarroi d’une partie de la société civile face à un système verrouillé. Le Code électoral, régulièrement critiqué pour son opacité, sa partialité et l’absence de garanties démocratiques, reste inchangé. Malgré les appels répétés à sa réforme, le gouvernement n’a jamais cédé. Résultat : un scrutin à la légitimité déjà contestée avant même le dépouillement.

Le paradoxe du Nord : fragilité politique, fidélité électorale

L’alliance entre Paul Biya et la région du Nord, traditionnellement acquise au RDPC, est aujourd’hui décrite comme fragilisée. La rupture avec certains alliés de longue date, désormais dans l’opposition, a semé le doute. Pourtant, les images venues du stade Yaya Daïrou montrent une ferveur intacte. Les militants, drapés dans les couleurs du parti, continuent d’acclamer « l’homme du renouveau ».

Ce paradoxe, une base fragilisée mais fidèle, illustre la nature complexe du lien entre Paul Biya et le peuple camerounais. Dans le Nord comme ailleurs, beaucoup continuent de voir en lui une figure de stabilité, malgré les défis économiques, sécuritaires et sociaux qui secouent le pays.

Pourquoi Paul Biya n’a pas besoin de faire campagne

Il faut le dire sans détour : Paul Biya n’a pas besoin de battre campagne pour se faire réélire. Plusieurs facteurs expliquent cette réalité politique :

  • Contrôle institutionnel : L’appareil d’État, de l’administration à la Cour constitutionnelle, est largement acquis au Président sortant. La neutralité des institutions, pourtant essentielle à toute démocratie, est remise en question.
  • Fragmentation de l’opposition : L’incapacité des partis d’opposition à s’unir face à Biya joue en sa faveur. Chaque camp avance ses propres intérêts, sans stratégie commune.
  • Absence de réformes électorales : Les règles du jeu, inchangées depuis des années, rendent presque impossible une alternance démocratique.
  • Poids historique du RDPC : Avec une emprise tentaculaire sur les administrations locales, les médias publics, et les moyens de campagne, le RDPC dispose d’un avantage structurel considérable.
  • Résilience du culte de la personnalité : En dépit de critiques croissantes, Paul Biya conserve une aura quasi mystique auprès de certaines franges de la population. L’idée qu’il est un garant de la paix et de l’unité nationale reste profondément ancrée.

Paul Biya est encore là

La Présidentielle du 12 octobre 2025 n’est pas tant une élection qu’une confirmation. Confirmation d’un statu quo. Confirmation d’un pouvoir enraciné. Confirmation d’un modèle politique où la compétition est formelle, mais l’issue connue. Mais à quel prix ? Le fossé entre dirigeants et dirigés continue de se creuser. La jeunesse, majoritaire dans un pays où plus de 60% de la population a moins de 25 ans, peine à se projeter dans un avenir façonné par une même gouvernance depuis les années 1980. Le silence de Paul Biya sur ses intentions après l’élection, son âge avancé, et les incertitudes sur sa succession, ne font qu’alimenter les spéculations.

Le Cameroun semble suspendu à une continuité sans fin, dans un immobilisme politique que rien ne vient bousculer. Le meeting de Maroua n’était pas un appel au vote, mais un rappel : Paul Biya est encore là. Et pour longtemps, peut-être. Dans une démocratie mature, la campagne électorale est un moment de débat, d’idées, de confrontation de visions. Au Cameroun, elle ressemble plutôt à une formalité. Paul Biya n’a pas besoin de battre campagne pour se faire réélire. C’est peut-être là le signe le plus évident d’un système à bout de souffle.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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