
À l’approche de la Présidentielle du 12 octobre 2025, le Cameroun entre dans une zone d’incertitude politique. Tandis que le pouvoir en place semble solidement campé, l’opposition peine à parler d’une seule voix. Entre exclusions controversées, alliances improbables et stratégies de dernière minute, les enjeux touchent au cœur du système démocratique camerounais.
À un mois de l’élection présidentielle camerounaise du 12 octobre 2025, le paysage politique reste profondément fragmenté. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), bien qu’écarté du scrutin, tente de jouer un rôle déterminant en soutenant un éventuel candidat d’une coalition. À la suite de son Conseil national tenu le 6 septembre à Yaoundé, le MRC a annoncé qu’il pourrait appuyer un candidat d’union à condition qu’il soit issu d’un accord entre au moins deux partis d’envergure.
Le Nord, un enjeu électoral stratégique
Cette stratégie vise à renforcer les chances d’une véritable opposition face au Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir depuis des décennies. Selon des sources internes, les deux partis les plus susceptibles de sceller cet accord sont l’UNDP de Bello Bouba Maïgari et le FSNC d’Issa Tchiroma Bakary. Ces deux formations, autrefois alliées du pouvoir, comptent désormais parmi les douze candidatures validées pour l’élection.
Le soutien du MRC ne se limiterait pas à une simple consigne de vote. Le parti envisage un engagement actif dans la campagne, à condition qu’un des deux candidats (Bouba Maïgari ou Tchiroma Bakary) renonce en faveur de l’autre. Tous deux partagent un bastion électoral commun dans les trois régions septentrionales du Cameroun, qui concentrent à elles seules près du tiers des électeurs. Ce positionnement géographique renforce la pertinence d’une telle alliance dans une région historiquement décisive.
Maurice Kamto, entre exclusion et espoir de retour
Au cœur de l’actualité politique figure Maurice Kamto, figure emblématique du MRC. Écarté de la course présidentielle pour « pluralité d’investiture », Kamto a vu sa candidature rejetée, malgré un dépôt sous la bannière du Manidem, après que son parti d’origine a été déclaré inéligible pour boycott électoral antérieur. Le Conseil constitutionnel, saisi, a confirmé cette décision que l’opposant qualifie de manœuvre orchestrée pour l’exclure.
Malgré la tension, le MRC n’a pas fermé la porte à un retour de son ancien président. Le Conseil national a décidé de lui laisser la liberté de choisir le moment opportun pour réintégrer le parti, maintenant ainsi un lien symbolique avec sa figure de proue.
Des accusations à l’encontre du régime et de la communauté internationale
Maurice Kamto n’a pas seulement dénoncé le pouvoir en place. Il a également critiqué le rôle de la communauté internationale, en particulier l’accord signé entre l’ONU et l’organisme électoral ELECAM. Pour lui, cet engagement n’aurait servi qu’à légitimer un processus biaisé, décrivant l’ensemble de la démarche comme un « crime politique » contre la démocratie.
En dépit de son exclusion, Kamto a salué le soutien de plusieurs formations politiques et promis le remboursement des fonds récoltés pour sa campagne. Il a appelé ses sympathisants à rester mobilisés, bien que sa voie vers l’élection ait été officiellement bloquée.
Régionales : un scrutin sous haute tension
Dans la foulée de la Présidentielle, les Camerounais seront appelés aux urnes le 30 novembre pour des élections régionales, les secondes de l’histoire du pays. Ce scrutin, destiné à renouveler les 900 conseillers élus en 2020, soulève déjà de nombreuses critiques. Le report des élections municipales à 2026 jette une ombre sur la légitimité du collège électoral, composé notamment de conseillers municipaux dont le mandat est arrivé à terme.
Plusieurs figures de l’opposition dénoncent une stratégie du pouvoir pour conserver son emprise sur les institutions locales. Pour eux, cette manipulation du calendrier servirait à contourner les échéances démocratiques prévues par la Constitution.
Le SDF en pleine implosion
Autrefois fer de lance de l’opposition camerounaise, le Social Democratic Front (SDF) traverse une période critique. Le parti fait face à une série de démissions, dont celles d’un groupe baptisé G27, composé d’anciens cadres influents. Ces derniers ont choisi de rejoindre l’UNDP, invoquant une vision politique plus proche des préoccupations nationales, notamment dans les régions anglophones.
Le SDF, affaibli par le décès de son leader historique John Fru Ndi, semble aujourd’hui divisé entre fidélité au parti et réalignement stratégique. Ce départ massif affaiblit considérablement la position du parti dans un contexte où l’unité de l’opposition paraît indispensable.
Joshua Osih, la ligne dure de la solitude
Malgré les appels à l’union, le candidat du SDF, Joshua Osih, persiste dans sa stratégie solitaire. Convaincu de sa capacité à vaincre même sans alliance, il rejette l’idée d’un candidat unique de l’opposition, qu’il qualifie de « distraction ». Son programme repose principalement sur une réforme institutionnelle en profondeur, visant à instaurer un système fédéral pour résoudre notamment la crise anglophone.
Osih prévoit une transition de trois ans pour refonder le pays, incluant une période de réconciliation, un dialogue national et une conférence constitutionnelle, avec l’objectif final d’aboutir à une nouvelle Constitution par référendum.
Une opposition désunie face à un pouvoir consolidé
Dans ce contexte électoral tendu, l’opposition camerounaise peine à s’accorder sur une stratégie commune. Entre les divergences internes au SDF, l’exclusion de figures majeures comme Maurice Kamto, et les manœuvres institutionnelles du pouvoir, l’espoir d’une alternance politique semble de plus en plus fragile. Pourtant, plusieurs analystes soulignent qu’une opposition unie aurait pu constituer un véritable contrepoids face à un régime solidement implanté dans les structures locales.
À l’approche du scrutin, la question demeure : l’opposition saura-t-elle transcender ses divisions pour offrir une alternative crédible au peuple camerounais ?