Cameroun : le SDF en crise avant la présidentielle 2024, démissions en cascade


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Joshua Osih
Joshua Osih

À deux mois de l’élection présidentielle camerounaise du 12 octobre, le Social Democratic Front (SDF) navigue en eaux troubles. Entre les démissions en cascade de ses cadres et l’intransigeance de son candidat Joshua Osih face aux appels à une coalition d’opposition, l’ancien premier parti d’opposition du pays traverse sa plus grave crise interne.

Alors que les appels à faire front commun de l’opposition contre le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), se font de plus en plus entendre à travers le pays, l’ancien premier parti d’opposition du Cameroun navigue sur une vague de démissions et affiche une confiance jugée excessive par ses détracteurs.

Le ralliement du G27 à l’UNDP

Dans une déclaration rendue publique ce week-end, un groupe constitué d’anciens cadres du Social Democratic Front (SDF), dénommé le G27, a officiellement annoncé son ralliement à l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Bello Bouba Maigari. Cet ancien ministre du Tourisme et des Loisirs de 78 ans, devenu candidat à l’élection présidentielle, semble séduire par son programme.

Ces anciens militants expliquent que ce choix découle d’une analyse stratégique approfondie : « Notre conviction est que l’UNDP est le parti dont le programme politique et économique reflète en grande partie les aspirations du peuple camerounais, et celles des anglophones en particulier », déclarent-ils dans leur communiqué.

Des engagements forts sur la crise anglophone

Les négociations directes menées avec le candidat de l’UNDP auraient abouti à des engagements substantiels, notamment « une amnistie générale pour les prisonniers de la crise anglophone ». Cette mesure, selon les transfuges du SDF, ouvrirait une véritable perspective de réconciliation nationale.

Le groupe considère que Bello Bouba Maigari est le mieux placé pour apporter une solution politique durable à la crise anglophone qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis plusieurs années. Ce ralliement fragilise davantage le SDF qui, depuis le décès de son porte-étendard historique John Fru Ndi, perd progressivement de sa notoriété dans les régions anglophones.

Joshua Osih campe sur ses positions

Cette situation ne semble toutefois pas ébranler Joshua Osih, président et candidat du Social Democratic Front à l’élection présidentielle du 12 octobre prochain. Face aux appels répétés à une coalition de l’opposition et à la succession de démissions dans ses rangs, il ne juge ni opportune ni nécessaire une candidature unique ou consensuelle face à Paul Biya.

Le candidat du RDPC, solidement ancré sur l’ensemble du territoire national et contrôlant la majorité des affaires communales et locales au Cameroun, ne l’impressionne visiblement pas. Joshua Osih affirme avoir « la capacité de gagner, y compris seul contre tous les autres candidats » et qualifie le débat sur une éventuelle candidature consensuelle de l’opposition de simple « distraction ».

« Pour moi, c’est une énorme distraction. Je suis le candidat du SDF, le SDF m’a choisi, je suis à cette élection jusqu’au bout. Je suis à cette élection pour gagner, qu’il y ait 11 candidats en face de moi ou juste un candidat, je vais gagner cette élection », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse où il présentait les grands axes de son programme politique.

Un programme axé sur le fédéralisme

Joshua Osih se dit également convaincu d’être le mieux placé pour résoudre ce qu’il appelle « le problème Cameroun », faisant référence à la crise anglophone. Il attribue cette crise à un centralisme excessif du pouvoir qu’il faudrait « remettre au peuple » à travers l’instauration du fédéralisme.

Son plan prévoit un processus de transformation institutionnelle étalé sur trois ans : « Nous avons prévu, pour refonder nos institutions, une période de trois ans pendant laquelle nous commençons par un exercice de vérité, de paix et de réconciliation, pour ensuite engager une conversation nationale autour de l’avenir de notre pays. Celle-ci finira par une conférence constitutionnelle qui proposera un projet de constitution présenté au peuple camerounais par voie de référendum. Au sortir de ce référendum, nous aurons donc un système fédéral. »

Un parti en crise à un moment crucial

Le Social Democratic Front, qui jadis était le parti d’opposition qui faisait trembler le RDPC, fait aujourd’hui face à une crise interne de mauvais augure. Cette situation préoccupe d’autant plus les observateurs politiques que le SDF est considéré comme le parti le mieux à même de comprendre et d’apporter une solution durable à la crise anglophone qui sévit depuis des années au Cameroun.

Selon plusieurs analystes, une coalition incluant le SDF serait un moyen efficace de capter l’électorat des zones anglophones actuellement en crise. L’obstination de Joshua Osih à maintenir une candidature solitaire pourrait donc s’avérer contre-productive pour l’ensemble de l’opposition camerounaise dans sa quête d’alternance politique.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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