
Au moment où Madagascar traverse sa plus grave crise politique depuis 2009, le Président Andry Rajoelina est sorti de son silence lundi soir.
Dans une allocution vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le Président malgache, contesté par une partie de la population et de l’armée, a rejeté les appels à sa démission et appelé ses compatriotes à « respecter la Constitution », seule voie, selon lui, pour sortir de l’impasse.
Un discours attendu, diffusé avec retard et hors des canaux officiels
C’est avec plus de trois heures de retard que le Président malgache, Andry Rajoelina, a pris la parole, lundi 13 octobre au soir, dans une vidéo publiée sur la page Facebook de la Présidence. Contrairement aux annonces officielles, son allocution n’a pas été retransmise sur la télévision nationale, signe d’une atmosphère politique tendue et d’une perte de contrôle sur les institutions publiques.
Dans ce message solennel, le Président a écarté toute idée de démission, malgré les appels pressants du mouvement de contestation « Gen Z » qui secoue le pays depuis le 25 septembre. « Il n’y a qu’une seule issue pour résoudre ces problèmes : c’est de respecter la Constitution en vigueur », a-t-il déclaré. Selon lui, toute rupture institutionnelle risquerait d’aggraver la pauvreté et de replonger Madagascar dans l’instabilité économique.
Une tentative de coup d’État et un Président exfiltré
Le chef de l’État malgache a également affirmé avoir échappé à une tentative d’assassinat menée par une faction de l’armée dès le début des manifestations. « Cela ne m’a pas empêché de rentrer au pays », a-t-il assuré, tout en précisant qu’il se trouvait actuellement « dans un lieu sûr » après avoir reçu des informations faisant état d’un projet visant à le tuer au palais d’Iavoloha.
Selon les informations recueillies par RFI, Andry Rajoelina aurait été exfiltré dimanche 12 octobre par un avion militaire français, avec l’accord du Président Emmanuel Macron. Il aurait d’abord été conduit à La Réunion, avant de s’envoler vers une destination encore inconnue en compagnie de sa famille. Paris, pour sa part, n’a pas confirmé cette version. Depuis Charm el-Cheikh, où il participait à un sommet sur la paix à Gaza, Emmanuel Macron s’est contenté d’exprimer sa « grande préoccupation » et d’appeler au respect de « l’ordre constitutionnel » à Madagascar, sans commenter l’exfiltration.
Une crise politique et sociale profonde
La contestation, amorcée par la jeunesse malgache excédée par les coupures d’eau et d’électricité, s’est transformée en un vaste mouvement antigouvernemental. La « Gen Z » réclame désormais le départ du Président Rajoelina, 51 ans, accusé de népotisme et de dérive autoritaire.
Au cours du week-end, plusieurs officiers supérieurs ont rejoint les manifestants, provoquant un basculement du rapport des forces. Ce ralliement militaire a conduit à la démission du président du Sénat, Richard Ravalomanana, un proche de Andry Rajoelina et ancien commandant de la gendarmerie, accusé d’avoir ordonné la répression des rassemblements. L’homme d’affaires Maminiaina Ravatomanga, autre allié du Président, a pour sa part, fui à l’île Maurice dimanche matin, selon les autorités mauriciennes.
Rajoelina tente de reprendre la main
Dans son allocution, Andry Rajoelina a tenté d’apparaître comme un dirigeant responsable, ouvert au dialogue. « Je n’ai ni tristesse ni rancune envers ceux qui ont voulu ma mort », a-t-il déclaré, tout en réaffirmant sa volonté de discuter avec « toutes les forces vives de la nation ». Le Président a aussi mis en garde contre le risque de voir les bailleurs de fonds internationaux suspendre leurs appuis financiers, comme ce fut le cas après le coup d’État de 2009, qui l’avait porté au pouvoir.
Mais son message peine à convaincre une opinion publique exaspérée et une armée divisée. Dans les rues d’Antananarivo, des milliers de manifestants ont célébré, lundi soir, leur espoir d’un changement de régime. Beaucoup estiment que l’appel au « respect de la Constitution » cache en réalité une manœuvre du Président pour gagner du temps et préserver son autorité fragilisée.
Un avenir incertain
Au moment où le pays semble suspendu entre vide du pouvoir et tensions militaires, la situation demeure hautement volatile. L’absence physique du Président sur le territoire national, combinée à la désorganisation des institutions, alimente les spéculations sur une éventuelle transition politique.
La communauté internationale, à commencer par la France et l’Union africaine, insiste sur la nécessité d’un dialogue inclusif et du maintien de l’ordre constitutionnel. Mais à Antananarivo, la rue continue de gronder, convaincue que la Constitution ne suffira pas à panser les plaies d’un pays miné par la pauvreté, la corruption et la lassitude d’une jeunesse en quête d’avenir.