
À Antananarivo, la crise s’aggrave : une unité de l’armée a rejoint les manifestants hostiles au président Andry Rajoelina. La tension est à son comble dans la capitale.
La situation demeure confuse à Madagascar. Ce samedi 11 octobre, une partie de l’armée a rejoint les manifestants antigouvernementaux à Antananarivo, au coeur de la contestation contre le président Andry Rajoelina. Le mouvement, né fin septembre contre les coupures d’eau et d’électricité, s’est transformé en véritable fronde politique.
Une mutinerie au cœur de la capitale
En début de journée, des soldats du CAPSAT (Corps d’administration des personnels et des services de l’armée de terre), basés à Soanierana, ont publié un message appelant leurs camarades à « refuser les ordres de tirer sur les civils » et à « protéger le peuple ».
Quelques heures plus tard, plusieurs véhicules militaires ont pénétré dans la capitale, acclamés par la foule massée autour du lac Anosy et de la place du 13-Mai, lieu symbolique des révoltes politiques malgaches depuis les années 1970.
« Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos frères et sœurs », ont déclaré les mutins dans une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux. Selon plusieurs sources, des échanges de tirs auraient eu lieu, mais les mutins ont rencontré peu de résistance.
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— Sammy Mupfuni (@SMupfuni) October 11, 2025
La colère populaire ne faiblit pas
Depuis le 25 septembre, les manifestations menées par le collectif Gen Z Madagascar se sont intensifiées. Initialement centrées sur les pénuries d’eau et d’électricité, elles dénoncent désormais la corruption, la répression et l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins de la population.
Le bilan humain est lourd : selon l’ONU, au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés ont été recensés, bien que le président Rajoelina conteste ces chiffres.
Les manifestants, rejoints désormais par des soldats, réclament la démission immédiate du président et du président du Sénat. Dans plusieurs quartiers de la capitale, les slogans appellent à « rendre le pouvoir au peuple ».
Le pouvoir fragilisé
Face à la montée de la contestation, Andry Rajoelina, 51 ans, avait tenté de calmer la situation en remaniant son gouvernement le 6 octobre dernier, nommant le général Ruphin Fortunat Dimbisoa Zafisambo au poste de Premier ministre.
Mais cette décision n’a pas suffi à apaiser les tensions. En fin d’après-midi, des rumeurs faisaient état d’une fuite du président hors de la capitale ; information non confirmée à ce stade.
Le ministère des Forces armées a de son côté appelé à l’unité et à la discipline, tout en qualifiant l’appel du CAPSAT de tentative de coup d’État. Les forces restées fidèles au président auraient reçu l’ordre de sécuriser les institutions et les bâtiments officiels.
Une jeunesse en première ligne
Le mouvement Gen Z, initié par des jeunes activistes sans leader identifié, se veut apolitique mais profondément civique. « Nous sommes fatigués des promesses », confie un étudiant rencontré par un reporter local. « Nos parents ont connu la pauvreté, nous héritons du désespoir. »
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé vendredi les autorités malgaches à « cesser le recours à une force inutile et disproportionnée », craignant une escalade dramatique.