Crise politique à Madagascar : le président Rajoelina dissout l’Assemblée nationale pour éviter une destitution


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Andry Rajoelina
Andry Rajoelina

Tensions politiques, manifestations populaires, divisions militaires : Madagascar traverse une période de forte instabilité après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par le Président Andry Rajoelina. Une décision présidentielle aux conséquences explosives.

Dans un climat de forte tension politique, le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, a annoncé, ce mardi 14 octobre 2025, la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce décret présidentiel, publié sur la page Facebook officielle de la Présidence et confirmé par son entourage, intervient à la veille d’un vote parlementaire qui aurait pu acter son empêchement temporaire pour abandon de poste. Le chef de l’État, visé par une fronde de députés d’opposition, a invoqué l’article 60 de la Constitution malgache pour justifier cette décision. Selon lui, cette mesure vise à « rétablir l’ordre » et à « renforcer la démocratie ». Pourtant, nombreux sont ceux qui y voient une manœuvre pour échapper à une destitution imminente.

Une Assemblée menaçante et un Président contesté

Depuis plusieurs jours, des parlementaires d’opposition affirment avoir rassemblé les signatures nécessaires pour initier une procédure d’empêchement contre le Président. Ce dernier est accusé d’avoir quitté le territoire sans en informer les institutions, laissant planer un doute sur la vacance du pouvoir. D’après Radio France Internationale (RFI), Andry Rajoelina aurait été exfiltré par un avion militaire français à destination de l’île de La Réunion, un fait que l’Élysée refuse pour l’instant de confirmer.

Loin de calmer la situation, cette absence du chef de l’État a ravivé la colère populaire. Depuis le 25 septembre, un mouvement de jeunes baptisé « Gen Z » organise quotidiennement des manifestations à Antananarivo, la capitale. À ces protestations s’ajoute désormais une grève des fonctionnaires, appuyée par plusieurs syndicats. Ce mardi encore, des milliers de manifestants ont envahi les rues de la capitale, dénonçant le pouvoir en place et appelant à un changement de régime.

Une mobilisation populaire qui s’intensifie, l’armée divisée

Les slogans brandis témoignent d’un rejet croissant de l’influence française, avec des pancartes telles que « Dégage la France » ou « Rajoelina et Macron démission ». Un climat anti-français alimenté par les rumeurs d’exfiltration présidentielle orchestrée par Paris. Le malaise social s’explique aussi par des difficultés économiques persistantes : coupures d’eau, délestages électriques, chômage élevé, inflation galopante. Dans ce contexte, la jeunesse malgache se sent abandonnée par les élites politiques et aspire à un profond renouveau démocratique. Autre facteur aggravant : les divisions au sein de l’armée.

Une unité militaire influente, le Capsat, a récemment appelé ses homologues à refuser de tirer sur les manifestants et a même rejoint les cortèges de protestation. Ce ralliement marque un tournant : en 2009, cette même unité avait joué un rôle central dans le coup d’État qui avait conduit… Rajoelina au pouvoir. Des hauts gradés ont déjà déclaré leur désobéissance à l’exécutif, tandis que le président du Sénat, Richard Ravalomanana, un proche du chef de l’État, a annoncé sa démission. Cette défection en cascade dans les cercles du pouvoir nourrit les spéculations autour d’un possible renversement du régime.

Le discours présidentiel : entre fermeté et fuite en avant

Dans une allocution diffusée sur les réseaux sociaux, Andry Rajoelina a tenté de rassurer la population. Il y a affirmé qu’il ne démissionnerait pas et a appelé à respecter la Constitution comme seule voie de sortie de crise. Il a également évoqué une tentative d’assassinat à son encontre, sans fournir de preuves concrètes. Le Président, réélu en 2023 dans un scrutin boycotté par l’opposition, a affirmé être toujours sur le territoire national, mais aucune apparition publique n’a confirmé cette déclaration.

Sa disparition du paysage institutionnel alimente donc les soupçons de manœuvres politiques pour gagner du temps. Avec la dissolution de l’Assemblée, la Constitution prévoit que de nouvelles élections législatives soient organisées dans un délai de 60 à 90 jours. Mais dans un contexte aussi instable, leur tenue semble très incertaine. Le vide institutionnel et l’agitation dans la rue laissent présager une transition chaotique si aucun dialogue national n’est engagé rapidement.

Madagascar joue sa stabilité politique

La communauté internationale, dont l’Union africaine et la France, appellent à la retenue et au respect du processus démocratique. Mais sur le terrain, la population réclame des actes concrets, dénonçant l’incapacité du régime actuel à répondre à leurs attentes. La décision de dissoudre l’Assemblée nationale, perçue par beaucoup comme un acte de survie politique, pourrait au contraire accélérer l’effondrement du régime de Rajoelina.

À moins d’un sursaut du dialogue politique, le pays s’enfonce dans une crise dont les conséquences pourraient dépasser les frontières de la Grande Île. Face à une jeunesse déterminée, une armée divisée et une classe politique discréditée, Madagascar joue sa stabilité dans les semaines à venir.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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