
Alors que le scrutin présidentiel de dimanche 12 octobre approche au Cameroun, il est force de constater que sur les 12 candidats en lice, trois se démarquent auprès de l’électorat camerounais : la marée dite orange du candidat Cabral Libii du parti PCRN, la marée jaune de l’ancien ministre Issa Tchiroma Bakary du FSNC, et le RDPC que l’on ne présente plus, avec le candidat du président de la République, Paul Biya, qui brigue sa propre succession et devrait réussir à récolter le plus de voix dans cette élection à un tour pour le siège d’Etoudi.
Cabral Libii : la marée orange de la jeunesse

Cabral Libii Li Ngue Ngue, candidat du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), est né le 29 mars 1980 à Ekoamaen dans la région du Centre Cameroun. Âgé de 45 ans, ce journaliste et homme politique brigue pour la seconde fois le poste de président de la République du Cameroun. Après l’obtention de son baccalauréat en 1998 au lycée d’Eséka, il poursuit ses études à l’Université de Yaoundé II où il obtient un Diplôme d’études approfondies (DEA) en droit public international portant sur le principe de souveraineté et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG).
Très engagé dans sa vie universitaire, il a été le coordonnateur général des activités associatives et culturelles des étudiants de l’Université de Yaoundé 2 et devient ainsi le porte-parole du Forum National des Jeunes (FONAJEUNE), une association fondée avec des camarades des universités de Yaoundé 1 et 2 du Cameroun. Professionnellement, il est d’abord recruté comme cadre d’administration universitaire avant d’être affecté puis nommé chef de chaîne adjoint à Radio Campus de l’université de Yaoundé 2. Il devient également animateur d’émissions télévisées, notamment « Vox Live » sur Vox Africa. En 2005, il fonde avec des amis le comité de défense des intérêts des étudiants de l’université de Yaoundé, organisme visant à représenter et défendre les droits et intérêts des étudiants de cette université.
Politiquement parlant, Cabral Libii est le chef de file du Mouvement 11 millions de citoyens en septembre 2017 avant d’être investi pour la première fois candidat à l’élection présidentielle le 2 février 2018 par le parti UNIVERS, avec lequel une convention de partenariat politique avait été signée le 11 décembre 2017 sous l’égide du professeur Prosper Nkou Mvondo. Plus jeune candidat à cette élection, il arrive troisième avec 6,8 % des voix. En 2019, il prend la tête du PCRN et est élu député à l’Assemblée nationale du Cameroun lors du double scrutin municipal et législatif du 9 février 2020. En mai 2025, il est investi à nouveau candidat à l’élection présidentielle par le bureau politique du PCRN et se présente ainsi à l’élection du 12 octobre prochain.
Son idéologie politique est concentrée dans son œuvre publiée en 2021 intitulée « Le fédéralisme communautaire », qui prône le fédéralisme de l’État camerounais ainsi que le développement régional, ce que beaucoup voient comme une apologie à un tribalisme à peine voilé. Néanmoins, lors de ses caravanes pendant la campagne électorale, il rassemble à sa suite une foule immense qui se revendique de « la marée orange », couleur du bulletin de vote de leur candidat. Dans ses meetings, il parle de la jeunesse, du chômage, de la double nationalité, du fédéralisme et du relèvement économique du Cameroun, et appelle aussi la jeunesse à « contrôler leurs votes » jusqu’à l’annonce des résultats.
Issa Tchiroma Bakary : le candidat consensuel

L’ancien ministre Issa Tchiroma Bakary, quant à lui, est né en 1946 dans la ville de Garoua. Ingénieur ferroviaire et homme d’État camerounais, il débute sa carrière à la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Régifercam, ancêtre de la Camrail) où, après avoir gravi les échelons, il se rapproche du parti unique du Cameroun. Après le coup d’État manqué du 6 novembre 1984, il se fait arrêter et écrouer pendant six ans sans procès, considéré alors comme une élite nordiste ayant participé au coup d’État.
Député puis ministre des Transports de 1992 à 1996, il est accusé par ses camarades de les avoir trahis au profit d’un poste ministériel. Il revient au gouvernement en 2009 en tant que ministre de la Communication et s’autoproclame porte-parole du gouvernement, devenant pour des observateurs à cette période « le porte-parole du président de la République Paul Biya », pour qui il chante les louanges et qu’il défend contre vents et marées. D’aucuns le surnomment à cet égard « le griot du chef ». C’est la période la plus marquante en tant que membre du gouvernement. Mais suite à un remaniement de janvier 2019, il change de portefeuille et se voit attribuer le poste de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, où il disparaît totalement. Il ne se fait plus ressentir, et de cette période, beaucoup se demandent ce qu’il a fait pour l’emploi et la formation de la jeunesse dont il plébiscite aujourd’hui les voix pour l’élever à la magistrature suprême du Cameroun, mais aussi pour le ministère des Transports. À ces questionnements, l’ancien « griot du chef » a déclaré sur les antennes d’Équinoxe Télévision « ne pas être comptable envers le peuple mais envers le président de la République qui l’a nommé ».
En effet, le 24 juin 2025, Issa Tchiroma démissionne du gouvernement et, en moins de 24 heures, il officialise sa candidature à l’élection présidentielle camerounaise du 12 octobre prochain. Il est choisi à la mi-septembre pour être le « candidat consensuel » par une coalition de quelques candidats de l’opposition et membres de la société civile sous l’égide de l’Union pour le Changement 2025. Issa Tchiroma dit compter sur son électorat de Douala et de sa ville natale de Garoua, où l’on affirme qu’il est temps que le pouvoir revienne aux mains des Nordistes qui ont eu l’amabilité de le donner aux Sudistes.
D’ailleurs, lors de son meeting à Douala, le candidat consensuel, président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), a fait une déclaration : « J’appelle le président Biya à m’appeler au soir du 12 octobre pour me féliciter, car le 12 octobre au soir, je serai à Garoua et je sais que j’aurai été élu président de la République du Cameroun. » Message qui a immédiatement fait réagir le ministre de l’Administration territoriale, rappelant que seule la voix des urnes était à même de décider qui est ou non vainqueur d’une élection, et appelant à plus de retenue de la part des candidats d’opposition.
Paul Biya : l’archi-favori à 92 ans

Paul Barthélémy Biya, âgé de 92 ans et archi-favori à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, est né le 13 février 1933 à Mvomeka’a dans la région du Sud Cameroun. Il est le deuxième chef d’État du Cameroun, ayant accédé au pouvoir le 6 novembre 1982 après la démission du président Ahmadou Ahidjo. Après ses études primaires et secondaires au Cameroun, il s’envole pour la France d’où il revient avec un diplôme d’études supérieures en droit public en 1963. Dès son retour au Cameroun, il est nommé chargé de mission à la présidence de la République du Cameroun, où il reste pendant des années avant d’être nommé Premier ministre en 1975 et de devenir, le 6 novembre 1982, le deuxième président de l’histoire de la République Unie du Cameroun.
Au moment de son accession au pouvoir, il est le 1er vice-président du Comité central de l’Union Nationale Camerounaise (UNC). Le 14 septembre 1983, il en devient président élu avant de le transformer en Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) le 24 mars 1985 à Bamenda. Élu président le 14 janvier 1984, réélu le 24 avril 1988, le 11 octobre 1992 (première élection présidentielle à suffrage universel direct avec multiplicité de candidatures au Cameroun), le 11 octobre 1997, le 10 octobre 2004, le 9 octobre 2011 et le 7 octobre 2018, il plébiscite donc un huitième mandat ce 12 octobre 2025.
Face à lui, des candidats qui, depuis l’ouverture de la campagne fin septembre, multiplient les apparitions publiques et tentent de séduire les électeurs avec pour unique et première promesse la page tournée du long règne du second président depuis l’indépendance en 1960 du Cameroun. Face à cette effervescence, Paul Biya est resté, comme à son accoutumée, très discret et même déclaré absent lors de cette campagne, s’accordant un séjour privé en Suisse avec sa famille en début du mois d’octobre, accentuant les rumeurs sur son état de santé.
Mardi 7 octobre 2025, l’homme qui n’a pas besoin de battre campagne pour être réélu président de la République fait finalement une apparition publique avec pour apothéose un meeting dans la ville de Maroua, considérée comme « la fille aînée du renouveau », ville stratégique avec ses plus de 1,2 million d’électeurs et sa deuxième plus grande réserve de voix. Debout, en bonne santé pendant près d’une demi-heure, le président candidat a notamment promis « un programme spécial de réhabilitation et de construction des routes du pays » et « davantage de femmes à tous les niveaux de responsabilités » avant de déclarer sous des applaudissements effrénés de ses partisans : « Ma détermination à vous servir demeure intacte. » Le président candidat a aussi demandé à la jeunesse au chômage d’être patiente contre ce fléau qui touche tous les continents et pays, qui n’est pas, d’après ses mots, « insurmontable ».
Un scrutin sous haute tension
Alors que nous sommes rendus à la dernière ligne droite du scrutin présidentiel du 12 octobre prochain au Cameroun, il est plutôt surprenant de constater que l’opposition va se présenter en ordre dispersé, tous promettant le développement une fois l’ère Biya achevée. Or, ces mêmes opposants le savent : le RDPC est le seul parti qui a investi chaque coin et recoin du territoire camerounais. Et au moment où d’aucuns appellent à la haine au regard des escalades violentes d’après-meetings, dans le camp présidentiel, on fait appel à plus de retenue et de patriotisme, et surtout à un vote massif en faveur de leur « champion ».
Il est aussi important de signaler que le scrutin se déroulera à l’ombre du conflit opposant des groupes séparatistes aux forces de défense dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest camerounais.