Mali : une crise sécuritaire aggravée par l’isolement diplomatique


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Carte du Mali
Carte du Mali

Le Mali s’enfonce dans une spirale d’instabilité qui menace de compromettre durablement ses perspectives de paix. Vendredi 26 septembre, à la tribune des Nations Unies, le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga a accusé l’Algérie de « soutenir le terrorisme international », une déclaration fracassante qui illustre l’isolement croissant de Bamako sur la scène régionale et internationale.

Depuis 2012, le Mali fait face à une menace terroriste multiforme. Des groupes armés liés à Al-Qaïda et à l’État islamique contrôlent de vastes portions du territoire, particulièrement dans le nord et le centre du pays. Malgré les interventions militaires successives — française (Barkhane), onusienne (MINUSMA) et désormais russe via le groupe Wagner —, la situation sécuritaire ne cesse de se détériorer.

Dirigé depuis 2021 par le général Assimi Goïta et sa junte militaire, le Mali poursuit une stratégie militariste basée sur l’usage intensif de drones pour frapper les groupes armés. Cependant, cette approche purement sécuritaire, sans volet politique ni effort de réconciliation nationale, montre ses limites. L’absence de dialogue avec les communautés du nord et les groupes séparatistes contribue à prolonger le conflit. Les exactions commises par Wagner ajoutant même de la tension et un ressentiment négatif de la population locale.

L’incident du drone : un révélateur de tensions plus profondes

Le 1er avril, un incident aérien est venu cristalliser les tensions régionales. L’Algérie a annoncé avoir abattu un drone malien qui aurait pénétré son espace aérien près de Tin Zaouatine, une ville frontalière. Bamako a dénoncé une action « hostile » et « préméditée », affirmant que ce drone s’apprêtait à frapper des groupes terroristes.

Cet incident, le troisième du genre depuis août 2024 selon Alger, a conduit au rappel des ambassadeurs et à la fermeture réciproque des espaces aériens. Il révèle l’incapacité du Mali à maintenir des relations de bon voisinage, pourtant essentielles dans la lutte antiterroriste.

Les conséquences d’un isolement diplomatique

En accusant publiquement l’Algérie — pays avec lequel le Mali partage 1 400 kilomètres de frontière et des liens historiques forts — de complicité avec le terrorisme, Bamako se prive d’un médiateur clé. L’Algérie, qui n’est pas en tort dans cette affaire et a agi en légitime défense de son espace aérien, avait joué un rôle central dans les processus de paix maliens depuis les années 1990, culminant avec l’accord d’Alger de 2015.
Cette rupture diplomatique aggrave l’isolement du Mali, déjà fragilisé par :

  • Le retrait des forces françaises et onusiennes
  • Les tensions avec les pays de la CEDEAO
  • Les sanctions internationales contre la junte
  • La dépendance croissante vis-à-vis de Moscou

Des risques sécuritaires accrus

L’absence de coordination avec l’Algérie multiplie les risques d’incidents transfrontaliers et complique la surveillance d’une frontière poreuse, terrain de jeu des groupes jihadistes. Plus grave encore, la fermeture de la voie diplomatique pourrait pousser certaines factions séparatistes du nord, privées d’interlocuteur pour une solution politique, à se radicaliser ou à s’allier aux groupes terroristes.

Les véritables bénéficiaires de cette escalade sont les organisations jihadistes, qui profitent de l’affaiblissement des mécanismes de coopération régionale pour étendre leur emprise. Chaque tension entre États sahéliens renforce leur capacité de nuisance et menace la stabilité de l’ensemble de la région.

Avec des défis aussi considérables — insécurité endémique, crise économique, isolement diplomatique, contestation interne —, le Mali ne peut se permettre de multiplier les fronts.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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