Mali : treize civils tués lors d’opérations de l’armée et de l’Africa Corps dans la région de Tombouctou


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Forces armées maliennes
Les Forces armées maliennes

Depuis début septembre 2025, le Mali fait face à une pression accrue sur son approvisionnement en carburant, conséquence directe de l’embargo imposé par les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM). Pour briser ce blocus, l’armée malienne, appuyée par les paramilitaires russes de l’Africa Corps, successeur du groupe Wagner, a intensifié ses opérations militaires sur plusieurs fronts. Si ces interventions ont permis une amélioration notable de la situation à Bamako, elles suscitent en parallèle de graves inquiétudes concernant des abus contre des civils, particulièrement dans la région de Tombouctou où au moins treize personnes auraient été tuées mardi 25 novembre.

Un contexte stratégique dominé par la crise du carburant

Au Mali, l’embargo du JNIM a créé un choc immédiat dans le pays, provoquant des pénuries de carburant massives. Face à l’urgence, les forces maliennes ont multiplié les escortes de convois de camions-citernes, aussi bien par voie terrestre que par des appuis aériens, afin de sécuriser l’acheminement du carburant vers les grandes agglomérations. Ce dispositif est largement soutenu par les unités russes de l’Africa Corps, devenues un partenaire clé des opérations antiterroristes menées par Bamako.

Selon les autorités de la transition, les efforts déployés ces derniers jours ont permis une « nette amélioration » de la situation dans la capitale. Les autorités assurent également que des mesures sont en cours pour renforcer l’approvisionnement dans les régions les plus touchées. Outre les escortes de convois, l’armée a lancé de nouvelles offensives contre des positions djihadistes.

Des opérations militaires élargies sur plusieurs zones sensibles

Le 25 novembre, l’état-major a annoncé la destruction d’un dépôt de carburant appartenant aux groupes terroristes près de Sofara, dans la région de Mopti. La même journée, des frappes aériennes ont ciblé ce que l’armée présente comme une « base terroriste » dans le secteur de Tidermène, au nord-est du pays, dans la région de Ménaka. Des actions seraient également en cours dans la région de Sikasso, proche de la frontière ivoirienne, même si aucun détail n’a été communiqué par les forces maliennes.

Cependant, c’est dans la région de Tombouctou que les conséquences humaines se sont révélées les plus lourdes. Le mercredi 26 novembre, des patrouilles conjointes composées de soldats maliens et d’éléments de l’Africa Corps ont parcouru plusieurs localités du cercle de Goundam. Selon les informations recueillies auprès de résidents et de l’organisation locale de défense des droits humains CD-DPA, treize civils ont perdu la vie en l’espace de 24 heures seulement.

Deux commerçants de bétail tués

À Emimalane, dans la commune d’Essakane, un adolescent aurait été abattu. Près de Bintagoungou, sur les rives du lac Faguibine, deux commerçants de bétail ont été tués. À Amaghnane, dans la commune de Tin-Aicha, quatre jeunes bergers auraient également trouvé la mort. Des images provenant de cette zone montrent plusieurs corps calcinés, étendus au milieu de cendres, dont l’un semble avoir les mains liées derrière le dos, soulevant de nouvelles interrogations quant aux circonstances exactes des décès.

Les violences ne se sont pas arrêtées là. À Nijhaltate, dans la commune de Gargando, six autres victimes, deux hommes, deux femmes et deux jeunes filles, ont été signalées. Selon les témoignages locaux, plusieurs femmes blessées ont été évacuées vers le centre de santé de Goundam pour y recevoir des soins d’urgence. Des dégâts matériels importants ont également été constatés. Des habitations et des boutiques ont été incendiées ou pillées dans les localités de Zouera et Razelma.

Silence des autorités militaires

Quant aux campements nomades situés près de Gargando, certains ont été retrouvés entièrement brûlés, obligeant des familles entières à fuir vers des zones plus sûres. Interrogée à plusieurs reprises, l’armée malienne n’a fourni aucune explication ni commentaire sur ces événements. Ce mutisme renforce les inquiétudes des organisations de défense des droits humains, déjà préoccupées par la recrudescence des abus imputés aux forces armées nationales et à leurs partenaires étrangers dans plusieurs régions du pays.

Alors que Bamako concentre ses efforts sur la sécurisation des routes d’approvisionnement en carburant et sur la lutte anti-djihadiste, les pertes civiles liées aux opérations militaires risquent d’alimenter de nouvelles tensions. Dans un contexte déjà marqué par la multiplication des acteurs armés, la méfiance des populations locales envers les forces régulières pourrait s’accentuer, compromettant encore davantage les initiatives de stabilisation.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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