Madagascar : un opposant à la tête de l’Assemblée nationale, nomination imminente d’un nouveau Premier ministre


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Siteny Randrianasoloniaiko
Siteny Randrianasoloniaiko

La scène politique malgache vient de connaître un autre grand tournant avec l’élection de Siteny Randrianasoloniaiko à la présidence de l’Assemblée nationale. Figure éminente de l’opposition et ex-candidat à la Présidentielle de 2023, il prend les rênes de la chambre basse dans un climat de tensions politiques inédites.

A Madagascar, un nouveau président de l’Assemblée a été élu à l’issue d’une session extraordinaire tenue au siège du Parlement à Tsimbazaza, où 94 députés sur 103 ont voté en sa faveur. Ce, au lendemain d’une dissolution contestée du Parlement par la présidence de la République, et dans un contexte où les institutions malgaches semblent tiraillées entre légitimité constitutionnelle et réalités du pouvoir sur le terrain.

Une victoire politique inattendue pour l’opposition

Alors que l’hémicycle était jusqu’à récemment dominé par les membres de la majorité présidentielle affiliés à la plateforme IRMAR (Isika Rehetra Miaraka amin’i Andry Rajoelina), le vote de ce 15 octobre marque un revirement. Des membres de cette majorité ont d’ailleurs participé à la séance, certains votant même en faveur de la motion visant à dissoudre le Bureau permanent, avant de soutenir l’élection de Randrianasoloniaiko.

Ce changement de cap reflète un rééquilibrage des forces politiques, mais aussi un désaveu de plus en plus marqué envers le Président sortant Andry Rajoelina, dont l’absence prolongée alimente les spéculations. La Présidence avait officiellement annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale le 14 octobre, une décision que les députés et plusieurs hauts gradés de l’armée contestent

Siteny Randrianasoloniaiko : un leader d’opposition sur le devant de la scène

En effet, les militaires du CAPSAT (Centre d’Appui à la Préparation des Actions et Soutien des Troupes) ont investi le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, déclarant avoir pris le pouvoir pour garantir la stabilité du pays. Ces militaires affirment que l’Assemblée nationale reste en fonction et ont validé la légitimité de la motion d’empêchement contre le Président Rajoelina, déposée le même jour.

Ancien sportif de haut niveau, dirigeant d’institutions sportives internationales, député, et candidat malheureux à la présidentielle de 2023, Siteny Randrianasoloniaiko est une figure montante du paysage politique malgache. En prenant la tête de l’Assemblée, il s’impose désormais comme un acteur central de la transition politique qui s’esquisse. Son élection pourrait marquer le début d’une refondation institutionnelle, alors que le pays traverse une crise multidimensionnelle : politique, sociale et économique.

Le rôle des militaires : pouvoir de fait ou garant de l’ordre républicain ?

La déclaration du Colonel Michaël Randrianirina, désormais chef de l’État par intérim selon la Haute Cour constitutionnelle (HCC), a ajouté une nouvelle couche de complexité à la situation. Il a annoncé la formation d’un nouveau gouvernement de transition, composé à la fois de civils et de militaires, et la nomination imminente d’un nouveau Premier ministre.

Dans un contexte de vide institutionnel, les forces armées apparaissent comme arbitres du pouvoir, tout en suscitant des inquiétudes quant à un possible retour à un régime militaire, ce que les militaires eux-mêmes réfutent, affirmant vouloir encadrer une transition pacifique.

Mobilisation citoyenne : la Gen Z, acteur clé du changement

La présidence de la République, toujours sous l’autorité revendiquée de Rajoelina, a publié un communiqué dénonçant une prise de pouvoir illégale par la force et qualifiant la décision de la HCC d’« inconstitutionnelle ». Sur la scène régionale, la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) a annoncé, dans un communiqué du 14 octobre, l’envoi prochain d’une mission d’observation et de médiation à Madagascar, signe d’une inquiétude grandissante de la communauté internationale face à une crise qui menace la stabilité de l’ensemble de la région.

Il est important de rappeler que cette crise est le résultat d’un long processus de mobilisation. Depuis plusieurs semaines, les jeunes Malgaches de la « Gen Z » mènent des manifestations à travers le pays, dénonçant la corruption, le népotisme et la mauvaise gouvernance. Leur influence sur les événements récents est indéniable, et leur capacité à mobiliser l’opinion publique a clairement pesé dans le basculement politique en cours. Le pays est désormais dans une phase de flou juridique et politique, où deux récits s’opposent : celui d’un régime qui se prétend toujours légitime, et celui d’un nouveau pouvoir adoubé par la HCC et soutenu par une partie des forces armées et des institutions parlementaires.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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