Colonel Michael Randrianirina : l’ascension du nouvel homme fort de Madagascar après la chute de Rajoelina


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Colonel-Michael-Randrianirina
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La scène politique malgache découvre l’émergence du colonel Michael Randrianirina à la tête du pays. Inconnu du grand public il y a encore quelques mois, ce militaire de carrière est désormais chef de l’État par intérim, après avoir joué un rôle central dans le renversement du Président Andry Rajoelina. Portrait d’un homme à la croisée de la tradition militaire et des aspirations populaires.

Un militaire discret devenu figure charismatique

Madagascar est entre de nouvelles mains après le départ du Président Andry Rajoelina. Âgé de 51 ans, originaire de la région d’Androy dans le sud aride de Madagascar, Michael Randrianirina a longtemps été une figure discrète de l’appareil militaire malgache. Formé à l’Académie militaire d’Antsirabe (ACMIL), il gravit patiemment les échelons jusqu’à diriger le bataillon d’infanterie de Tuléar. Entre 2016 et 2018, il est nommé gouverneur de la région d’Androy, une fonction à la croisée de l’administration civile et de l’influence militaire.

Mais c’est à la tête du CAPSAT (Corps d’administration des personnels et des services administratifs et techniques) qu’il gagne en stature. Cette unité, souvent impliquée dans les moments charnières de l’histoire politique du pays, est devenue un acteur central du basculement militaire d’octobre 2025.

Un opposant aux dérives du régime Rajoelina

Michael Randrianirina n’a jamais caché ses critiques virulentes envers le régime d’Andry Rajoelina, notamment sur les réseaux sociaux. Il est déjà remarqué pour son rôle dans l’affaire Apollo 21, une tentative présumée d’assassinat du Président Rajoelina en 2021, il incarne la résistance interne au sein de l’armée.

Cette opposition lui vaut une arrestation en novembre 2023 pour « incitation à la mutinerie militaire« , suivie de trois mois de détention à la maison centrale de Tsiafahy, puis une condamnation avec sursis. Mais loin d’être marginalisé, il a conservé le soutien d’une frange influente de l’armée.

Dès les premières manifestations menées par la jeunesse urbaine en septembre, il prend position contre la répression menée par la gendarmerie, appelant à la désobéissance militaire.

Le tournant d’octobre 2025 : du refus d’obéir à la prise de pouvoir

Le 10 octobre 2025, Michael Randrianirina envoie un message fort : il appelle publiquement les forces de l’ordre à ne pas tirer sur les manifestants. Ce message viral précipite l’effondrement du régime. Trois jours plus tard, le CAPSAT quitte ses casernes, prend le contrôle du Palais présidentiel, et annonce la suspension de la Constitution.

Dans une déclaration solennelle, il affirme que « l’armée a répondu à l’appel du peuple », dénonçant « le gaspillage des trésors de la nation » et « le bafouement des droits fondamentaux ». Ce geste marque la cinquième intervention militaire dans la vie politique de Madagascar depuis son indépendance en 1960. Malgré son rôle clé, le colonel Randrianirina minimise sa position : « Je ne détiens pas le pouvoir, je ne contrôle pas l’armée », déclarait-il encore récemment.

Une transition incertaine, entre promesses et doutes

Il insiste sur une transition vers un gouvernement civil, promettant la formation rapide d’un cabinet de transition et la tenue d’élections dans un délai de 18 à 24 mois. Cependant, la transition soulève de nombreuses interrogations. La légitimité du nouveau pouvoir est encore fragile. Les discussions avec les juges de la Haute Cour constitutionnelle, supposée dissoute, sont en cours pour donner une certaine légalité à la prise de pouvoir, dans l’espoir de rassurer les partenaires internationaux et les bailleurs.

L’histoire politique de Madagascar est marquée par des interventions militaires régulières. Depuis la chute de Philibert Tsiranana en 1972, suivie par le régime militaire de Gabriel Ramanantsoa, en passant par Didier Ratsiraka, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina lui-même arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée en 2009, le pays semble enfermé dans un cycle récurrent de transitions militaires. L’arrivée de Michael Randrianirina pourrait-elle briser cette spirale ? Rien n’est moins sûr.

Un homme de foi, un discours populiste ?

Peu connu pour sa vie privée, le colonel Randrianirina est membre actif de la communauté évangélique dite « Mpiandry » au sein de l’Église luthérienne de Madagascar. Ce lien spirituel lui confère une proximité avec les milieux religieux et ruraux, tout en servant de levier moral à son action politique. Ses discours, populiste mais nourris de préoccupations sociales, trouvent un écho dans une population lassée par l’instabilité, la corruption et la pauvreté.

Michael Randrianirina s’impose désormais comme le nouvel homme fort de Madagascar, dans un climat d’incertitude politique et de grandes attentes sociales. Sa capacité à conduire une transition pacifique, crédible et inclusive déterminera non seulement l’avenir politique du pays, mais aussi sa reconnaissance sur la scène internationale.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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