
L’ancien Premier ministre kényan, Raila Odinga, est décédé en Inde, où il suivait un traitement médical. Sa disparition met fin à plus d’un demi-siècle d’un engagement politique marqué par la lutte pour la démocratie et la justice sociale au Kenya.
Le Kenya pleure l’un de ses plus illustres fils. Raila Amolo Odinga, chef historique de l’opposition kényane, est décédé ce mercredi 15 octobre 2025 dans le sud de l’Inde, à l’âge de 80 ans. Selon les autorités locales, il s’est effondré au cours d’une promenade matinale dans le district d’Ernakulam, dans l’État du Kerala, où il séjournait pour des soins à l’hôpital ophtalmologique Sreedhareeyam Ayurvedic Eye Hospital.
« La mort est confirmée. Il se promenait avec sa sœur, sa fille et son médecin lorsqu’il s’est écroulé », a indiqué à l’AFP Krishnan M., un responsable de la police locale. Transporté d’urgence à l’hôpital, l’ancien Premier ministre a été déclaré mort peu après son arrivée. D’après un porte-parole de l’établissement médical, Raila Odinga « a soudain été victime de difficultés respiratoires » et « malgré les efforts répétés des médecins, il n’a pas pu être sauvé ».
Un combattant de la démocratie
Né le 7 janvier 1945 à Maseno, dans l’ouest du Kenya, Raila Odinga est le fils de Jaramogi Oginga Odinga, premier vice-président du pays après l’indépendance en 1963 et figure de proue du nationalisme africain. Héritier d’une tradition politique marquée par la résistance au colonialisme et aux dérives autoritaires, Raila Odinga s’est imposé dès les années 1980 comme l’un des principaux opposants au régime autocratique de Daniel arap Moi (1978-2002).
Engagé dans la lutte pour le multipartisme, il fut plusieurs fois arrêté et emprisonné, notamment après la tentative de coup d’État de 1982 à Nairobi, dont le gouvernement l’accusa faussement d’être l’un des instigateurs. Ses années de détention et d’exil en Europe ont façonné son image de combattant intransigeant de la liberté politique et de la démocratie.
De l’opposition à la tête du gouvernement
Après le rétablissement du multipartisme en 1991, Raila Odinga fonde et dirige successivement plusieurs formations politiques, dont le Forum for the Restoration of Democracy (FORD) puis le Orange Democratic Movement (ODM), qui deviendra le principal parti d’opposition du pays.
Candidat à la présidence à quatre reprises (2007, 2013, 2017 et 2022), il n’accédera jamais à la magistrature suprême, malgré un soutien populaire massif. Sa défaite contestée lors de l’élection de 2007 provoqua une crise postélectorale sanglante, qui fit plus d’un millier de morts et conduisit à la signature d’un accord de partage du pouvoir. Raila Odinga devint alors Premier ministre du Kenya (2008-2013) dans un gouvernement de coalition dirigé avec Mwai Kibaki.
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Un symbole d’unité et de résilience
Charismatique, orateur redoutable, Raila Odinga aura incarné, pendant plus de quatre décennies, la résistance à l’injustice et la quête d’un Kenya plus équitable. Même après ses revers électoraux, il demeurait une figure morale et politique incontournable, respectée bien au-delà des clivages ethniques et partisans.
Son engagement en faveur de la décentralisation, de la lutte contre la corruption et de la réconciliation nationale a profondément marqué la vie politique kényane. En 2018, son spectaculaire « handshake » avec le Président Uhuru Kenyatta, après des années d’affrontements politiques, avait symbolisé une volonté de tourner la page des divisions postélectorales.
Une disparition qui laisse un vide
La mort de Raila Odinga suscite une immense émotion au Kenya et dans toute l’Afrique de l’Est. De Nairobi à Kisumu, ses bastions historiques, les hommages affluent de la classe politique et de la société civile. Le Président kényan devrait décréter des journées de deuil national.
L’homme que ses partisans appelaient affectueusement “Baba”, ce qui veut dire le père, laisse derrière lui un héritage politique colossal, fait de courage, de résilience et de conviction. Raila Odinga, infatigable défenseur de la démocratie et artisan de compromis historiques, aura marqué à jamais l’histoire du Kenya moderne.