
Une violente confrontation a éclaté, le 14 juillet 2025, entre l’armée malienne, soutenue par les forces russes d’Africa Corps, et les rebelles touaregs du Front de Libération de l’Azawad (FLA), sur l’axe stratégique reliant Kidal à Anéfis. Selon un communiqué officiel, l’affrontement aurait été déclenché par une patrouille ayant engagé un groupe qualifié de terroriste. Les autorités affirment que les assaillants ont été repoussés, tandis que le FLA revendique une victoire éclatante et diffuse des images censées illustrer l’intensité des combats.
Ces dernières semaines, l’armée malienne et ses alliés russes ont massivement déployé des troupes dans le nord du pays pour ravitailler les garnisons, installer de nouveaux commandants et rétablir une forme d’autorité sur un territoire sous haute tension. Kidal, en particulier, demeure une poudrière. Frontalière de l’Algérie, elle est régulièrement disputée entre groupes rebelles touaregs et forces djihadistes affiliées à Al-Qaida, en particulier le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM).
Une région piégée par les cycles de rébellion
L’attaque du 14 juillet n’est pas un événement isolé. Depuis la rébellion touarègue de 2006, qui vit des groupes armés lancer une mutinerie à Kidal et Ménaka, le pays peine à instaurer une stabilité durable. En 2012, la rébellion s’est intensifiée avec la proclamation unilatérale de l’indépendance de l’Azawad par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), aussitôt suivie par l’émergence de groupes djihadistes qui ont profité du chaos pour imposer leur loi.
Les batailles autour d’Anéfis, comme celles de 2013 ou 2014, ont déjà opposé les forces armées maliennes à des factions touarègues. La complexité du terrain, le soutien local dont bénéficient certains groupes et les faiblesses structurelles de l’État ont nourri une spirale de violence qui persiste aujourd’hui. Depuis sa création en 2017, le JNIM s’est imposé comme l’un des principaux acteurs violents dans le Sahel.
Le JNIM, une menace persistante et évolutive
Il ne s’agit plus seulement d’un groupe armé terroriste au sens classique, mais d’une organisation hybride, mêlant insurrection militaire, imposition de taxes, médiation dans les conflits locaux et même gestion d’infrastructures dans certaines zones reculées. L’attaque meurtrière de février 2024 contre le camp militaire de Kwala, qui a fait plusieurs dizaines de morts, est l’un des nombreux exemples de la brutalité et de l’efficacité tactique du JNIM.
Quelques mois plus tôt, en septembre 2023, le groupe avait mené deux assauts simultanés : l’un contre un bateau civil sur le fleuve à Tombouctou, et l’autre contre un camp militaire à Bamba, causant la mort de plus de 150 civils et 15 soldats. Au fil du temps, le JNIM a adopté une stratégie plus politique, cherchant à s’implanter durablement dans certaines régions. Des alliances ponctuelles avec des groupes comme le FLA ou d’autres mouvements armés ethniques traduisent cette volonté d’élargir son influence au-delà du strict champ religieux.
Des raids à Djibo ayant provoqué des dizaines de victimes
Inspiré par des modèles observés en Syrie, comme celui de Hayat Tahrir al-Sham, le JNIM tente aujourd’hui de jouer un rôle de pouvoir local, en exploitant les abus commis par les forces de sécurité et les frustrations des populations marginalisées. Le Mali n’est pas un cas isolé. Le Burkina Faso, le Niger et même des pays jusque-là épargnés comme le Bénin ou le Ghana sont aujourd’hui dans le viseur des groupes djihadistes. En juin 2024, l’attaque de Mansila, au Burkina, a coûté la vie à plus de 100 soldats. À Djibo, plusieurs raids ont provoqué des dizaines de victimes, confirmant l’effondrement du contrôle de l’État dans plusieurs régions du nord du pays.
La situation est également préoccupante dans les zones frontalières. En janvier 2025, un poste militaire au nord du Bénin a été attaqué, causant la mort de près de 30 soldats. Si le Ghana n’a pas encore subi d’attaque directe, des enquêtes récentes ont révélé que des groupes djihadistes y établissent des bases logistiques, profitant de la porosité des frontières et de l’absence de surveillance dans certaines zones reculées. Les États côtiers d’Afrique de l’Ouest, qui longtemps se sont pensés protégés par leur distance géographique avec le Sahel, doivent aujourd’hui composer avec une menace qui se propage bien au-delà des déserts du Nord.
Pari risqué d’une coopération militaire avec la Russie
Face à cette menace multiforme, les autorités maliennes ont choisi de rompre avec leurs anciens partenaires occidentaux pour s’allier à la Russie et à ses supplétifs de Wagner, désormais intégrés à l’Africa Corps. Cette coopération a permis certaines victoires symboliques, comme la reprise de Kidal fin 2023. Mais elle s’est aussi accompagnée d’un regain de violence, d’exactions documentées contre les civils, et d’une radicalisation croissante des populations locales.
La stratégie militaire actuelle, qui repose largement sur la force brute et la répression, semble atteindre ses limites. Les récits d’exactions perpétrées par les forces maliennes et leurs alliés russes alimentent le discours de propagande des groupes djihadistes et affaiblissent la légitimité de l’État dans les régions périphériques.