L’assassinat de Rahma Ayat en Allemagne secoue la communauté algérienne


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#JusticeForRahma
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Le 4 juillet 2025, l’Allemagne a été le théâtre d’un crime odieux qui a profondément marqué la communauté algérienne. Rahma Ayat, une jeune infirmière de 26 ans originaire d’Oran, a été sauvagement assassinée dans son appartement près de Hanovre, soulevant des questions sur la sécurité des ressortissants algériens en Europe.

Le quartier résidentiel d’Arnum, commune tranquille rattachée à Hemmingen, n’avait jamais connu pareille violence. Ce vendredi 4 juillet, vers 10h30, les habitants sont brutalement arrachés à leur routine par des appels au secours déchirants. Dans la cage d’escalier de l’immeuble, ils découvrent une jeune femme baignant dans son sang, victime de multiples coups de couteau au torse et aux épaules.

Les secours, alertés immédiatement, tentent l’impossible. En vain. Rahma Ayat succombe à ses blessures, laissant derrière une communauté sous le choc. L’enquête révèle rapidement la brutalité de l’agression : l’agresseur a défoncé la porte de l’appartement avant de s’acharner sur sa victime, qui a tenté de fuir vers les escaliers.

Rahma : Le rêve européen brisé

Née le 14 août 1998 à Oran, Rahma Ayat incarnait cette jeunesse algérienne éduquée et ouverte vers l’extérieure. Venue en Allemagne pour suivre une formation d’infirmière, elle avait su s’intégrer tout en préservant son identité. Ses collègues la décrivent comme une femme douce, travailleuse, respectueuse – tout l’inverse du profil que tentent parfois de dessiner les discours xénophobes.

Femme de convictions, Rahma portait le hijab avec fierté, y compris sur son lieu de travail. Une liberté qu’elle considérait comme non négociable. Un détail qui prend aujourd’hui une résonance particulière dans l’enquête.

Le voisin rapidement arrété

L’homme interpellé sur les lieux, un Allemand de 31 ans couvert de sang, habitait le même immeuble que Rahma. Si les enquêteurs restent prudents sur les motifs du crime, les témoignages convergent : ce voisin harcelait la jeune femme depuis des mois. Remarques déplacées, comportements hostiles, tensions répétées – autant de signaux d’alarme qui n’ont pas su prévenir l’irréparable.

Il s’agit d’un crime raciste. Une thèse que renforcent les statistiques alarmantes de l’Allemagne, où 33 963 actes racistes ont été recensés en 2024, dont 1 136 violences physiques – soit une hausse de 17% en un an.

La réaction diplomatique d’Algéer s’est faite le 10 juillet, dans les salons feutrés du ministère des Affaires étrangères à Alger, l’ambassadeur allemand Georg Felsheim fait face à Sofiane Chaib, secrétaire d’État chargé de la diaspora. L’entretien est sans ambiguïté : l’Algérie qualifie l’assassinat de « crime odieux » et exige des mesures concrètes pour protéger ses ressortissants.

Cette convocation diplomatique, rare par sa fermeté, témoigne de l’émotion suscitée par ce drame au plus haut niveau de l’État algérien. Un message clair adressé à Berlin : la sécurité des Algériens en Allemagne n’est pas négociable.

L’Allemagne face à ses démons

À Hanovre, la communauté algérienne sous l’impulsion de l’activiste Hamza Allal Cherif se mobilise dès l’annonce du drame. Le 8 juillet, une marche commémorative rassemble plusieurs dizaines de personnes dans les rues d’Arnum. Pancartes à la main, ils réclament « Justice pour Rahma » et exigent que toute la lumière soit faite sur les circonstances du crime.

Cette mobilisation dépasse les frontières allemandes. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #JusticeForRahma fait écho à une indignation collective qui transcende les nationalités. Le « Réseau contre le meurtre des femmes » annonce une manifestation de soutien, transformant ce drame personnel en cause collective.

L’assassinat de Rahma Ayat intervient dans un contexte préoccupant. Martina Renner, députée de Die Linke, tire la sonnette d’alarme car cette violence n’est pas le fruit du hasard. Elle s’enracine dans un terreau de préjugés et de peurs que certains discours politiques contribuent à fertiliser. Rahma Ayat paie aujourd’hui le prix de cette dérive, rejoignant tristement la liste des victimes de la haine ordinaire.

Le retour au pays natal

Pendant que l’enquête suit son cours, les services consulaires algériens œuvrent discrètement mais efficacement. L’ambassade de Berlin et le consulat de Francfort coordonnent leurs efforts pour organiser le rapatriement de la dépouille.

Pour la famille de Rahma, pour la communauté algérienne, pour tous ceux qui croient encore en une société inclusive, le procès à venir revêt une importance capitale. Il dira si l’Allemagne est capable de regarder en face ses zones d’ombre et de les combattre avec détermination.

Idriss K. Sow Illustration d'après photo
Journaliste-essayiste mauritano-guinéen, il parcourt depuis une décennie les capitales et les villages d’Afrique pour chroniquer, en français, les réalités politiques, culturelles et sociales de l'Afrique
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