CAN Féminine 2025 : quand le Maroc crie au loup pour masquer sa déconvenue diplomatique


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Carte CAF

Alors que la Coupe d’Afrique des Nations féminine se déroule au Maroc, une polémique oppose Rabat à Alger autour d’accusations de « boycott visuel » de la part de l’équipe algérienne. Mais derrière ces griefs se cache une tout autre réalité : l’embarras du royaume face à l’obligation de diffuser une carte officielle conforme au droit international, excluant le Sahara occidental. Décryptage d’une controverse qui révèle les limites de l’influence diplomatique marocaine.

Alors que la Coupe d’Afrique des Nations féminine 2025 bat son plein au Maroc, une polémique enfle entre Rabat et Alger. Mais derrière les accusations marocaines contre l’Algérie se cache une réalité plus complexe qui met en lumière les véritables enjeux de cette controverse.

L’accusation : un boycott algérien orchestré ?

Depuis le début de la compétition le 5 juillet, les médias marocains et les réseaux sociaux dénoncent ce qu’ils présentent comme un « boycott visuel » systématique de l’Algérie envers le pays hôte. Les griefs sont multiples :

  • Modification de logos : Le logo de Royal Air Maroc aurait été remplacé par celui de TotalEnergies lors de la diffusion d’une conférence de presse sur la télévision algérienne
  • Suppression de références : La mention « Morocco 2024 » aurait été retirée des visuels officiels de la sélection algérienne
  • Masquage de sponsors : Des logos présents sur les bancs de touche auraient été camouflés lors des matchs
  • Boycott protocolaire : La capitaine algérienne aurait refusé de participer à la photo officielle devant la Tour Hassan à Rabat

Ces accusations ont conduit la CAF à ouvrir une enquête officielle contre l’Algérie pour « violations présumées des Statuts et Règlements« . Une procédure normale après le dépot de la plainte marocaine.

La réalité : une diversion stratégique

Pourtant, une analyse un peu plus poussée révèle que ces accusations masquent un embarras bien plus profond pour le Maroc. Le véritable scandale de cette CAN féminine n’est pas algérien, mais marocain.

Le point de départ de cette controverse remonte à une décision de la Confédération africaine de football qui a pris le royaume de court : la diffusion d’une carte officielle du Maroc sans le Sahara occidental dans les spots promotionnels de la compétition diffusé par un sponsor de la compétition.

Cette représentation cartographique, conforme au droit international et aux résolutions de l’ONU qui considèrent le Sahara occidental comme un « territoire non autonome« , constitue un camouflet diplomatique majeur pour Rabat. La chaîne marocaine Arryadia s’est contentée de préciser qu’elle ne faisait que « retransmettre le signal officiel fourni par la CAF, sans possibilité de modification« .

Cette position de la CAF de ne pas accéder à la volonté du Maroc d’annexer sur ses carte le Sahara occidental s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence établie en 2023 lors de l’affaire opposant l’USM Alger au RS Berkane. Le club marocain avait été initialement disqualifié par la CAF pour avoir arboré un maillot représentant une carte du Maroc incluant le Sahara occidental. Bien que le Tribunal arbitral du sport (TAS) ait annulé cette sanction sur la forme, il a confirmé le principe : l’annexion du Sahara occidental par le Maroc n’est pas reconnue par les instances sportives internationales qui font ;logiquement primer le droit international.

Les accusations du Maroc contre l’Algérie, principal soutien de la population du Sahara occidental et de son droit à l’autonomie, apparait donc comme une tentative de diversion face à ce camouflet.

Les preuves qui s’effritent

Ainsi, concernant les accusations portées contre l’Algérie, plusieurs éléments remettent en question leur fondement :

  • Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent que ce sont des volontaires de la CAF, et non des représentants algériens, qui recouvrent les logos sur les bancs de touche. Cette pratique, observée également lors d’autres matchs (Sénégal-Zambie), relève des procédures standard de protection des sponsors officiels.
  • Une responsabilité éditoriale locale pour le remplacement du logo Royal Air Maroc par celui de TotalEnergies qui semble relever d’une décision éditoriale de la télévision algérienne, sans lien direct avec la délégation sportive. Les autorités algériennes maintiennent que « toute modification de l’identité visuelle officielle serait le fait d’un traitement technique indépendant de la volonté de la délégation« .
  • Ainsi, il apparaît que cette polémique est largement alimentée par les tensions diplomatiques entre les deux pays, dont les relations sont rompues depuis août 2021. Le football devient ainsi un terrain d’expression de rivalités qui le dépassent.

L’acharnement médiatique marocain contre l’Algérie semble avant tout destiné à détourner l’attention du véritable embarras : l’obligation pour les chaînes marocaines de diffuser quotidiennement une carte de leur pays conforme au droit international, c’est-à-dire sans le Sahara occidental.

Cette situation met en évidence l’isolement croissant du Maroc sur cette question. Même ses alliés traditionnels, comme la France qui a récemment soutenu l’autonomie du Sahara occidental sous souveraineté marocaine, ne peuvent contourner les résolutions onusiennes dans les enceintes sportives internationales. En outre, les Etats-Unis de Donald Trump semblent en train de modifier leur position sur ce dossier. Rabat risque ainsi de perdre son principal allié, le seul qui lui permet aujourd’hui de ne pas plier face aux résolutions de l’ONU.

Cette controverse préfigure ce que pourrait être la CAN masculine 2025, également organisée au Maroc du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026. Mais la situation actuelle révèle les limites de l’instrumentalisation du sport à des fins politiques. Alors que le Maroc espérait utiliser l’organisation de ces compétitions pour légitimer ses revendications territoriales, c’est l’effet inverse qui se produit : les instances sportives internationales appliquent strictement le droit international et mettent donc sur le devant de la scène l’indépendance juridiqu du Sahara occidental et son statut de « colonie » marocaine  de fait.

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Amadou Atar est une référence dans le monde du football africain. Il est précis et objectif dans ses articles, même si on ne peut lui enlever un penchant historique pour le mythique club français de Saint-Etienne où sont passés plusieurs des plus grands joueurs africains de l'histoire
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