Sahara occidental, Maroc et Algérie : John Bolton confirme un possible revirement des alliances américaines


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Trump et le referundum au Sahara occidental
Trump et le referundum au Sahara occidental

L’ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, relance le débat sur le Sahara occidental dans une interview explosive à El Independiente. Prônant un retour au référendum d’autodétermination, il n’exclut pas que Trump puisse revenir sur sa reconnaissance de la souveraineté marocaine de 2020. Une analyse qu’Afrik.com avait anticipée en évoquant les nouveaux enjeux géopolitiques qui pourraient motiver ce spectaculaire revirement. Dans cet interviw, Bolton réfute aussi les accusations de radicalisation portées contre le Front Polisario.

Les récentes déclarations de John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, relancent le débat sur l’avenir du Sahara occidental et suggèrent un possible changement de position américaine sur ce conflit vieux de près de 50 ans.
Bolton prône le retour au référendum d’autodétermination

Dans une interview accordée au journal espagnol El Independiente, Bolton défend un retour à la légalité internationale dans le conflit de l’ex-colonie espagnole, occupée depuis 1975 par le Maroc. L’ancien diplomate américain est catégorique : « La politique américaine sur le Sahara occidental devrait revenir à ses origines de 1991, en soutenant un référendum pour que les Sahraouis décident de leur propre avenir« .

Cette position marque une rupture avec la décision prise par Trump en décembre 2020, qui avait reconnu la souveraineté marocaine sur le territoire en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël dans le cadre des Accords d’Abraham.

Une reconnaissance jugée « inutile » par Bolton

L’ancien conseiller à la sécurité nationale ne mâche pas ses mots concernant cette reconnaissance. Selon lui, « les Marocains auraient accepté de toute façon l’accord avec Israël car cela les intéressait« .

Bolton est encore plus sévère dans son jugement : « Ils ont profité d’un groupe de personnes qui n’avaient pas la moindre idée de ce qu’était le Sahara occidental, où il se trouvait ou quelle était son importance« . Pour lui, il s’agissait d’une « concession qu’ils n’auraient pas dû obtenir« . Il ajoute que Trump partage cette analyse et considère donc que ce n’était pas un deal.

Trump pourrait-il changer d’avis ?

À la question cruciale posé par le journaliste espagnole de savoir si Trump pourrait revenir sur sa décision, Bolton suggère que la porte reste ouverte à un revirement. Dans ses déclarations, Bolton évoque même un scénario surprenant qui pourrait motiver Trump à changer de position. Il suggère que si la Trump Corporation obtenait « une concession pour y implanter ses complexes hôteliers » au Sahara occidental, « cela le pousserait peut-être à soutenir un référendum, s’il y voit une raison de changer de position« .

Une analyse qui rejoint l’idée déjà poussé par le Président américain de transformer Gaza en Riveria afin d’y installer la aussi ses infrastructures hotelières. Cette proposition ayant échoué, Trump se retourne maintenant vers le Sahara occidental, donc la proximité avec l’Europe laisse entrevoir un grand potentiel touristique.

Afrik.com avait été l’un des premiers à analyser cette possibilité de revirement. Dans un article détaillé, nous avions expliqué en mai dernier déjà que « l’imprévisibilité de Donald Trump n’est plus à démontrer » et que « le 45e président américain fait face à une nouvelle donne géopolitique qui pourrait le pousser vers une solution radicalement différente« . A l’époque, nous mettions en avant plusieurs arguments qui reste d’actualité.

  • L’argument sécuritaire

Bolton martèle l’urgence : « Avec l’influence chinoise et russe qui monte partout en Afrique, ce n’est pas le moment de leur laisser une nouvelle brèche« . Un référendum supervisé par l’ONU sous égide américaine permettrait de contrer l’influence croissante de Pékin et Moscou dans la région.

  • L’argument économique

Depuis 1991, la MINURSO coûte environ 60 millions de dollars par exercice au budget de maintien de la paix des États-Unis. Organiser enfin le référendum mettrait fin à cette dépense récurrente – un argument de campagne rêvé pour Trump : « Je fais économiser l’argent du contribuable, j’obtiens un résultat et je rapatrie nos ressources« .

  • La narration « trumpienne »

« J’ai signé la proclamation de 2020 parce que le Congrès dormait. Aujourd’hui, je corrige la copie : on met fin à 50 ans de conflit, gratuitement, et sans envoyer de Marines« . Enfin, La stratégie présente l’avantage de rassembler les deux bords politiques américains : les républicains néoconservateurs suivent Bolton sur la ligne sécuritaire, tandis que les démocrates saluent un retour au multilatéralisme.

Le rejet des accusations de terrorisme contre le Polisario

Bolton balaie également les tentatives marocaines de faire classer le Front Polisario comme organisation terroriste. « Ils n’ont jamais succombé au radicalisme qui s’est répandu au Moyen-Orient après la révolution islamique d’Iran de 1979« , affirme-t-il catégoriquement.

Il insiste sur le fait que les accusations véhiculées sont « complètement fausses » et que les ONG américaines présentes dans les camps sahraouis ne relèvent aucune influence étrangère.

La solution reste entre les mains du peuple sahraoui

Bolton reste convaincu que « la seule façon de résoudre ce conflit est d’organiser un référendum« . Il ajoute : « Les Sahraouis eux-mêmes vivent toujours dans les camps de réfugiés de Tindouf (Algérie) et méritent de pouvoir rentrer chez eux« .
Pour l’ancien diplomate, « la solution évidente à la question de la souveraineté est de demander aux natifs du Sahara occidental ce qu’ils préfèrent : l’indépendance ou l’autonomie promise sous le Maroc« .

Enfin, cette solution permettrait enfin un développement économique réel du Sahara occidental et de ses ressources, aujourd’hui de plus en plus contrainte par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui s’est opposé à l’exportation marocaine de ses ressources sans l’accord formel du peuple saharaoui.

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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