
Âgée de 24 ans, l’ex-compagne de Badiss Bajjou, cerveau présumé d’un réseau de « cryptorapts » en France, a été mise en examen à Versailles pour blanchiment et recel d’extorsion en bande organisée. Malgré la gravité des accusations, elle a été laissée libre sous contrôle judiciaire.
Du nouveau dans l’affaire d’un réseau de « cryptorapts » en France. Une jeune femme, ex-compagne de Badiss Bajjou a été mise en examen en France. Cette mère d’un enfant d’un an et demi né de sa relation avec Badiss Bajjou, était surveillée depuis près d’un an. Elle a été interpellée le 5 juin, près d’Orléans, par la brigade de répression du banditisme de Versailles, qui a également découvert 600 euros en liquide à son domicile.
Au cours de sa garde à vue, elle a admis avoir reçu des transferts d’argent de son ex-compagnon pour subvenir aux besoins de son cousin, également impliqué dans le réseau criminel. Elle a également reconnu avoir communiqué avec Badiss Bajjou via l’application cryptée Signal, et effectué une dizaine de voyages au Maroc avec son fils pour qu’il voie son père.
Liens persistants avec le cerveau des enlèvements
Toutefois, elle affirme ne plus avoir de lien affectif avec Bajjou, déclarant que leur seul lien réside désormais dans leur enfant. Cette ligne de défense vise visiblement à minimiser son implication dans les affaires criminelles orchestrées par son ex-compagnon. Badiss Bajjou, né au Chesnay (Yvelines), est un Franco-marocain âgé de 24 ans, connu des services de police pour une liste impressionnante d’infractions : vol en bande organisée, extorsion, détention de stupéfiants, proxénétisme, vol avec arme, et désormais tentatives d’homicide.
Il est soupçonné d’être le cerveau d’enlèvements dans le milieu de la cryptomonnaie en France, un domaine où les cibles sont souvent jeunes, riches et peu protégées. Son arrestation le 3 juin à Tanger a été saluée par les autorités françaises, bien que son extradition vers la France soit incertaine. La double nationalité franco-marocaine de Bajjou complique la procédure d’extradition. Bien que le Maroc et la France aient signé une convention d’extradition en 2011, aucune des deux nations n’extrade ses ressortissants.
Un chef d’orchestre du crime numérique
Cela signifie que Badiss Bajjou ne pourra pas être livré à la justice française, à moins d’une coopération judiciaire exceptionnelle. Cependant, la législation marocaine permet de juger un ressortissant marocain pour des faits commis à l’étranger. Il est donc possible que Bajjou soit jugé et condamné au Maroc, avec une option ultérieure de transfèrement en France pour purger sa peine, selon une convention signée en 1981 et modifiée en 2007.
Derrière ce réseau, les enquêteurs ont mis au jour une organisation mafieuse structurée, avec Bajjou en chef d’orchestre. Il est notamment suspecté dans l’enlèvement de David Balland, cogérant de la société de sécurité en cryptomonnaie Ledger, mais aussi dans la séquestration de proches de personnalités influentes du secteur. Parmi ses victimes présumées : la mère d’un entrepreneur des Yvelines, enlevée en juillet 2023, et le père d’un joueur de poker, kidnappé en août 2024. Dans chaque cas, des rançons en cryptomonnaie ont été exigées et payées, souvent après des négociations menées par Bajjou lui-même.
Des tentatives d’enlèvement déjouées à Paris
Les autorités françaises ont récemment neutralisé une série de tentatives d’enlèvements très élaborées, visant notamment la fille de Pierre Noizat, PDG de Paymium, une société d’échange de cryptomonnaie. Deux tentatives, les 12 et 13 mai dans le XIe arrondissement de Paris, ont échoué grâce à l’intervention de proches et de riverains. Une autre tentative a été déjouée le 26 mai à Couëron, en Loire-Atlantique, visant un entrepreneur dans le Bitcoin et son épouse. L’intervention rapide de la BRB et de la BRI a permis l’interpellation de huit suspects, dont certains mineurs de 16 et 17 ans, formant une main-d’œuvre juvénile et malléable.
Les enquêteurs ont décrit un réseau structuré « à la manière d’une entreprise », utilisant de jeunes exécutants prêts à tout pour de l’argent facile. Le rapport de synthèse évoque une « taylorisation du crime organisé », où chaque jeune accomplit une micro-tâche – parfois sous pression, souvent pour très peu de gains. Les fourgons utilisés pour ces tentatives d’enlèvement étaient repeints, replaqués et camouflés sous des logos de déménagement, retrouvés dans des zones industrielles. À bord : des armes (fusils M15, pistolets Glock), des cagoules, gants, lacrymogènes, et même un iPhone relié à Waze, indiquant précisément l’adresse des victimes ciblées.
Un réseau démantelé, certains originaires du Sénégal
Malgré l’interpellation de 25 individus à Paris, les enquêteurs craignent que le réseau s’étende encore, avec des ramifications à l’international. Tous les suspects arrêtés résident en région parisienne, notamment en Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Essonne, et certains sont originaires du Sénégal. Selon les forces de l’ordre, cette organisation a bénéficié d’un sentiment d’impunité généralisé, renforcé par l’absence de visibilité sur leurs actions dans l’ombre du Web.
Mais grâce à une coopération policière étroite et une surveillance prolongée, les autorités ont réussi à démanteler une large part de ce réseau, même si Badiss Bajjou reste inaccessible pour la justice française. Pour l’ex-compagne du criminel, la justice devra désormais trancher entre complicité passive ou simple victime d’une relation toxique, tout en protégeant les droits de leur enfant.