
La Grèce vient de frapper un grand coup sur la scène migratoire européenne. Ce mercredi 10 juillet 2025, le gouvernement grec a annoncé la suspension, pour une période de trois mois, de toutes les procédures d’asile visant les migrants arrivant par voie maritime depuis l’Afrique du Nord.
Depuis le début de l’année, les autorités grecques ont enregistré plus de 7 300 arrivées de migrants sur les îles du sud du pays, un chiffre en forte hausse par rapport aux 4 935 arrivées recensées sur la même période en 2024. Rien que le mercredi 3 juillet, plus de 520 personnes ont été secourues au large de l’île de Gavdos, située au sud de la Crète. La majorité de ces traversées proviendrait des côtes libyennes, selon les autorités, qui évoquent une intensification préoccupante du trafic d’êtres humains dans la région.
Un cadre légal d’exception invoqué par Athènes
Pour justifier cette suspension temporaire, le gouvernement grec s’appuie sur l’article 78(3) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui autorise les États membres à adopter des mesures exceptionnelles en cas d’afflux soudain de personnes. Athènes évoque une « situation d’urgence nationale », estimant que ses capacités d’accueil et de traitement sont débordées par la cadence actuelle des arrivées.
Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, s’est montré inflexible dans sa déclaration :
« Tout migrant entrant illégalement sur le territoire sera arrêté et placé en détention. Le passage vers la Grèce est désormais fermé. »
Mitsotakis n’a pas mâché ses mots, soulignant que la mesure vise autant à dissuader les candidats à l’exil qu’à déstabiliser les réseaux de passeurs. Il s’adresse directement aux personnes qui envisagent de tenter la traversée, les avertissant que leurs efforts sont voués à l’échec et que « l’argent qu’ils investissent pourrait être purement perdu ».
Les droits humains relégués au second plan ?
Cette annonce n’a pas tardé à faire réagir les organisations humanitaires et les défenseurs des Droits de l’homme, qui dénoncent une atteinte grave au droit fondamental de demander l’asile, inscrit dans le droit international. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a rappelé que les modalités d’arrivée ne peuvent justifier un refus de traitement des demandes d’asile.
Des ONG telles que Amnesty International ou Médecins sans Frontières fustigent une « suspension de facto du droit d’asile », et craignent que de nombreuses personnes fuyant la guerre, la torture ou la persécution ne soient renvoyées vers des zones dangereuses, au mépris des conventions internationales sur les réfugiés.
Une politique conforme à la nouvelle doctrine européenne
La décision d’Athènes intervient dans un climat européen tendu sur la question migratoire. Elle fait suite à l’adoption récente du Pacte européen sur la migration et l’asile, dont l’objectif est de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union et de mieux répartir les demandeurs d’asile entre les États membres.
En choisissant de suspendre les procédures pour une partie ciblée des arrivants, la Grèce s’inscrit dans cette logique de fermeté croissante. Le gouvernement insiste sur le caractère temporaire et limité de la mesure, qu’il considère comme conforme aux règles européennes, dans un contexte qu’il qualifie de « pression structurelle et asymétrique ».
L’Afrique du Nord au cœur de l’attention
Si cette mesure vise officiellement les migrants en provenance d’Afrique du Nord, les projecteurs se tournent naturellement vers des pays comme la Libye, la Tunisie ou l’Algérie, principaux points de départ des traversées. Ces zones, souvent marquées par l’instabilité politique ou économique, restent des plaques tournantes du trafic d’êtres humains vers l’Europe. Toutefois, des voix s’élèvent pour dénoncer un traitement discriminatoire des migrants africains, victimes d’une politique migratoire de plus en plus sélective.
La suspension grecque pourrait ouvrir la voie à d’autres mesures similaires en Europe, alors que plusieurs pays membres expriment leur exaspération face à l’augmentation des flux migratoires et aux difficultés de gestion communes. Mais elle pose aussi une question fondamentale : peut-on sacrifier les droits fondamentaux à l’autel de la gestion des frontières ?
En attendant, des centaines de migrants déjà présents en mer ou sur les côtes grecques se retrouvent dans l’incertitude la plus totale, sans perspective claire sur leur sort.