Immigration clandestine : l’Europe et l’Afrique unies pour enrayer les traversées mortelles vers l’Espagne


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Des migrants sénégalais tentent de rejoindre l'Europe
Des migrants sénégalais

Face à la recrudescence des départs clandestins vers l’Espagne, l’Europe et l’Afrique unissent leurs efforts pour enrayer les traversées meurtrières. Dans le delta du Sine Saloum, au Sénégal, 201 migrants ont été interceptés alors qu’ils tentaient de rejoindre les îles Canaries. Alors que les passeurs profitent de zones difficiles d’accès, les autorités misent sur une stratégie de prévention et d’ouverture de voies migratoires légales pour endiguer ce phénomène.

La marine sénégalaise a intercepté, dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 juillet 2025, 201 migrants clandestins dans le delta du Sine Saloum, au centre du Sénégal. Prêts à embarquer pour une périlleuse traversée vers les îles Canaries en Espagne, ces hommes, femmes et enfants ont été stoppés avant d’atteindre l’océan Atlantique. Cette opération résulte d’une stratégie déployée conjointement par les pays européens et africains, pour freiner les flux migratoires illégaux, souvent meurtriers, en provenance d’Afrique de l’Ouest.

Le Sine Saloum, une zone de départ devenue prioritaire

Le delta du Sine Saloum, à environ 170 km au sud de Dakar, est devenu, en un an, un épicentre de l’émigration clandestine. Cette région marécageuse, caractérisée par ses nombreux bras de fleuves, forme un véritable labyrinthe naturel menant directement à l’océan. Sa géographie en fait un point de départ particulièrement difficile à surveiller, une aubaine pour les passeurs.

Lors de l’opération du 9 juillet, la marine a d’abord découvert 69 migrants regroupés sur la rive. Puis, à proximité, une pirogue chargée de 132 personnes, prête à lever l’ancre, a été interceptée. Face à la recrudescence des départs clandestins depuis ses côtes, le Sénégal a intensifié ses dispositifs de contrôle. En collaboration avec des ONG et partenaires internationaux, le pays a renforcé sa surveillance maritime

Des mesures renforcées du côté sénégalais

En 2024, une station de surveillance a été implantée à Foundiougne, une ville stratégique à l’entrée du parc naturel du Sine Saloum. Une initiative qui entre dans le cadre d’une série de mesures de sécurisation des zones de pêche, où le désespoir économique pousse de plus en plus de jeunes à tenter la traversée. Par ailleurs, la justice sénégalaise a récemment montré sa volonté de frapper fort contre les passeurs. Le 16 juin dernier, Cheikh Sall, pilote d’une pirogue ayant chaviré en septembre 2024, causant la mort d’au moins 29 personnes, a été condamné à sept ans de prison ferme.

Son complice a écopé de deux ans. Tous deux devront également verser 5 millions de francs CFA aux familles des victimes. Une peine saluée par la société civile pour sa sévérité, perçue comme un message fort contre l’impunité. Si le Sénégal agit localement, la lutte contre l’immigration clandestine ne peut se faire sans la coopération européenne. L’Espagne, en première ligne face à ces flux migratoires, a intensifié sa collaboration avec les pays d’origine et de transit.

Coopération euro-africaine : une lutte conjointe

À travers des accords bilatéraux, des programmes de formation des garde-côtes, et la fourniture d’équipements de surveillance, l’Espagne appuie activement les efforts des États comme le Sénégal, la Mauritanie ou encore le Maroc. L’Union européenne, quant à elle, poursuit son soutien à travers le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, destiné à lutter contre les causes profondes de la migration. Ce fonds finance des projets de développement économique, de formation professionnelle et de création d’emplois dans les zones vulnérables, notamment dans les régions côtières d’Afrique de l’Ouest.

Malgré les risques, nombreux sont ceux qui continuent à tenter la traversée, poussés par le chômage, la précarité et l’illusion d’un avenir meilleur en Europe. Les ONG telles qu’Horizons sans frontières appellent à multiplier les campagnes de sensibilisation auprès des jeunes. Elles insistent sur la nécessité d’informer sur les dangers réels de ces traversées : naufrages, arrestations, exploitation en cours de route, et souvent, la désillusion à l’arrivée.

Des voyages clandestins peuvent virer au drame

La tragédie de septembre 2024, où plus de 100 personnes avaient embarqué sur une pirogue qui a chaviré au large de Mbour, reste dans les mémoires. Le procès de Cheikh Sall est la preuve que ces voyages clandestins peuvent virer au drame. Des experts plaident pour un changement de paradigme : plutôt que de contenir, il s’agirait de mieux réguler. Cela passerait par la création de canaux légaux d’immigration pour répondre aux besoins démographiques et économiques de l’Europe, tout en réduisant le recours aux réseaux de passeurs.

L’Union européenne, visiblement, consciente et annonce une augmentation de son aide au développement pour la période 2025-2030, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’éducation et de l’entrepreneuriat local.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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