
Après plusieurs semaines de traque internationale, les autorités marocaines ont interpellé le Franco-Marocain Badiss Mohamed Amide Bajjou, soupçonné d’avoir orchestré une série d’enlèvements ultra-violents visant l’écosystème crypto français.
Dans la matinée du 4 juin 2025, les forces de l’ordre marocaines ont procédé à l’arrestation de Badiss Mohamed Amide Bajjou sur la célèbre corniche de Casablanca. Cet homme, visé par une notice rouge d’Interpol pour « enlèvement, séquestration et extorsion en bande organisée », était activement recherché par l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) et la justice française.
Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir commandité au moins quatre enlèvements d’une violence inouïe, ciblant spécifiquement des acteurs influents de la cryptosphère hexagonale ou leurs proches.
Une coopération franco-marocaine exemplaire
L’arrestation a été officiellement confirmée par Gérald Darmanin, ministre français de la justice, qui n’a pas manqué de saluer « l’excellente coopération judiciaire » établie entre Paris et Rabat. Cette collaboration s’est révélée décisive dans le démantèlement de ce réseau criminel d’un nouveau genre.
Dès le mois de mars, les enquêteurs français avaient transmis à leurs homologues marocains des éléments techniques cruciaux, permettant de retracer sur la blockchain le circuit complexe des rançons versées en bitcoins. Ces précieuses données numériques ont permis aux services marocains de localiser le principal suspect dans un appartement du quartier de Maârif, loué sous une fausse identité.
Le modus operandi terrorisant des « cryptorapts »
Depuis janvier 2025, une vague d’enlèvements d’une brutalité exceptionnelle frappe l’écosystème crypto français. Le mode opératoire de ces « cryptorapts » révèle un niveau de sophistication et de violence jusqu’alors inédit : sections de phalanges des doigts pour contraindre les victimes, demandes de rançons astronomiques oscillant entre 5 et 10 millions d’euros en actifs numériques, et recrutement d’équipes spécialisées via l’application Telegram.
Badiss Mohamed Amide Bajjou est désormais entre les mains de la justice marocaine. Mais son identité soulève d’importantes interrogations. En effet, alors que les premiers articles de presse le décrivaient comme un quadragénaire, les communiqués officiels publiés après son interpellation évoquent un homme de seulement 24 ans, né à Oujda et ayant acquis la nationalité française par mariage.
Cette discordance s’explique selon les enquêteurs par deux hypothèses : soit une usurpation d’identité systématique — plusieurs passeports ayant été saisis lors de l’arrestation —, soit une confusion délibérément entretenue dans le but de retarder son arrestation et de brouiller les pistes.
Les enjeux de l’extradition
La France a d’ores et déjà transmis une demande d’extradition, s’appuyant sur la convention bilatérale de 2008 qui facilite considérablement la remise réciproque de suspects entre Paris et Rabat. Bien que le Maroc puisse théoriquement refuser l’extradition si l’accusé risque la réclusion criminelle à perpétuité ou si les infractions sont qualifiées de politiques, ces conditions restrictives ne semblent pas s’appliquer au dossier des « cryptorapts ».
L’avis définitif de la Cour d’appel de Casablanca pourrait intervenir d’ici un peu plus d’un mois. En attendant, Bajjou demeurera incarcéré à la prison d’El Oukacha.
La peur d’un nouvel enlèvement paralysait littéralement tout le secteur de la cryptomonnaie française qui désormais respire mieux. Toutefois, l’enquête est loin d’être terminée. Les investigations devront désormais se concentrer sur l’identification d’éventuels complices encore en liberté, notamment en France et à Bruxelles. La vague d’arrestations de fin mai, plus d’une vingtaine de personnes en France, n’a en effet révélé qu’une partie de l’organigramme financier de ce réseau criminel sophistiqué.
Vers un procès historique
L’instruction française, ouverte au tribunal de Nanterre pour « association de malfaiteurs criminelle », devrait désormais porter ses efforts sur le volet blanchiment, notamment le transfert des rançons vers des plateformes d’échange asiatiques.
L’arrestation de Badiss Mohamed Amide Bajjou constitue une première en Europe avec une cyber-enquête fondée presque exclusivement sur le traçage minutieux de cryptomonnaies.