L’Algérie redessine sa carte économique : l’Italie monte et la France s’efface


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L’IATF 2025 vient de se clôturer sur un succès retentissant avec 48,3 milliards de dollars de contrats signés, dont 11,4 milliards pour l’Algérie seule. Parallèlement, la France réduit drastiquement ses achats de gaz algérien et voit ses entreprises perdre du terrain face à la montée en puissance italienne. Une redistribution des cartes économiques est en cours en Méditerranée.

La 4e édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025), organisée à Alger du 4 au 10 septembre, a battu tous les records avec 48,3 milliards de dollars de contrats signés. L’Algérie s’est taillée la part du lion avec 11,4 milliards de dollars, soit 23,6% du total des accords conclus. Cette performance exceptionnelle illustre parfaitement le repositionnement stratégique d’Alger vers de nouveaux partenariats économiques.

Parmi les contrats phares, la Société nationale de sidérurgie (SNS) a signé pour près de 1 milliard de dollars d’accords avec des entreprises internationales et africaines, tandis que des secteurs comme l’automobile, avec Chery Algérie qui a conclu cinq conventions de sous-traitance, ou encore l’industrie pharmaceutique avec 400 millions de dollars de contrats attendus, ont confirmé la diversification économique du pays.

La France tourne le dos au gaz algérien : une rupture économique majeure

Pendant que l’Algérie prospère avec de nouveaux partenaires, la France prend ses distances. Les exportations de GNL algérien vers la France ont chuté drastiquement en janvier 2025, passant de 0,373 million de tonnes en décembre 2024 à seulement 0,098 million de tonnes, soit une diminution de 73,7% en un mois.

Cette évolution s’inscrit dans une tendance de fond. En 2024, les importations françaises en provenance d’Algérie ont reculé de 11,2%, s’établissant à 6,3 milliards d’euros contre 7,1 milliards d’euros en 2023, principalement en raison de la baisse des cours des hydrocarbures qui représentent 79,4% des exportations algériennes vers la France.

L’ascension italienne : un partenariat modèle selon Alger

Face au déclin français, l’Italie s’impose comme le nouveau partenaire privilégié de l’Algérie. Lors de récentes déclarations, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf n’a pas caché son enthousiasme pour ce partenariat. Il a souligné que parmi les partenariats proposés au continent africain dans le cadre de la coopération internationale, « celui avec l’Italie est le plus influent », dans la mesure où « il repose sur des projets concrets« . Il a mis en avant « la diversification des investissements dans le secteur énergétique et l’approvisionnement de ce pays ami en gaz naturel, sans oublier les grands projets tels que l’hydrogène vert, la fibre optique et d’autres encore à portée européenne« .

Les chiffres sont clairs : les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Italie ont atteint 15,09 milliards de dollars en 2024, selon l’International Trade Centre. L’Italie est devenue le troisième partenaire commercial de l’Algérie au niveau mondial, occupant la position de premier client et de troisième fournisseur.

Des contrats concrets qui changent la donne

L’été 2025 a marqué un tournant avec la signature de plus de 20 accords bilatéraux lors du Forum économique algéro-italien. Ces accords couvrent des secteurs clés tels que l’industrie, l’énergie, la formation, et l’économie circulaire. L’accord majeur dans le secteur de l’énergie concerne un protocole d’accord entre Sonatrach et Eni, visant à assurer la sécurité d’approvisionnement et à soutenir la transition énergétique.

Un autre partenariat majeur est celui signé entre le Consortium électrosidérurgique italien CEIP Scarl et l’entreprise algérienne Copresud, pour la construction d’une usine de production de fer préréduit (DRI) en Algérie, un projet d’envergure d’un milliard d’euros.
Plus récemment, l’Algérie a passé une commande de 150 millions d’euros à l’Italie pour son énergie solaire, permettant de relancer l’usine Valesca située à Vimercate en Italie et de créer 120 emplois dans l’usine italienne. Enfin, en juillet, l’équipementier Sigit s’est installé en Algérie renforçant le développement de l’industrie automobile locale.

Les entreprises françaises : fortement implantées mais fragilisées

Paradoxalement, la France reste très présente économiquement en Algérie, ce qui rend sa marginalisation d’autant plus problématique. Pas moins de 450 entreprises françaises se sont implantées sur le sol algérien, évoluant essentiellement dans les différents secteurs des services : banques, assurances, formation, bijouterie et restauration.

Parmi les groupes français majeurs présents, on compte Total dans l’énergie, Peugeot et Renault dans l’automobile, BNP Paribas et Société Générale dans la banque, Danone et Nestlé Waters dans l’agroalimentaire, ou encore Michelin, Thales, et Veolia Environnement dans leurs secteurs respectifs.

Le cas de Stellantis (ex-PSA/Peugeot) illustre cette situation complexe. Stellantis a lancé la production dans son usine de Tafraoui en Algérie en décembre 2023, créant 500 emplois directs avec l’objectif d’atteindre 2 000 emplois d’ici 2026. Mais Stellantis est un groupe franco-italien, donc un cas à part, et c’est son usine Fiat que s’impose. Ainsi, cette success story industrielle ne doit pas masquer le recul global de l’influence française.

Une redistribution géopolitique aux enjeux multiples

Cette évolution économique reflète des tensions diplomatiques plus profondes entre Paris et Alger, mais aussi une stratégie algérienne de diversification de ses partenariats. Attaf a invité les autres pays européens à « emprunter la même voie en matière de partenariat mutuellement bénéfique » que l’Italie.

L’Algérie semble avoir trouvé en l’Italie un partenaire plus pragmatique et moins condescendant que la France. L’Algérie est désormais le premier fournisseur de gaz de l’Italie.

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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