
Le géant pétrolier italien confirme sa montée en puissance africaine avec une production record en 2024, portée par des projets phares en Côte d’Ivoire, au Congo et au Mozambique. Mais l’Algérie reste le pilier gazier de cette expansion, bénéficiant d’investissements massifs dans le cadre du Plan Mattei.
Une année 2024 marquée par l’essor des gisements africains
ENI a enregistré en 2024 une production record de 1,71 million de barils équivalent pétrole par jour (Mbep/j), confirmant sa trajectoire de croissance rapporte son Bilan Annuel 2024. Cette performance s’appuie principalement sur la montée en puissance de trois projets stratégiques sur le continent africain : le méga-gisement Baleine en Côte d’Ivoire, le projet Marine XII au Congo et Coral South au Mozambique.
Le champ Baleine, découvert en septembre 2021, a franchi une étape décisive fin 2024 avec le démarrage de sa deuxième phase de développement, portant la production à 60 000 barils de pétrole par jour et 70 millions de pieds cubes de gaz associé. À terme, ce projet pourrait atteindre 150 000 barils par jour.
L’Afrique centre de gravité d’ENI
Avec 61 % de ses paiements mondiaux versés aux États africains en 2024, soit plus de 5,7 milliards de dollars sur un total de 9,1 milliards, ENI confirme que l’Afrique représente désormais environ 60 % de sa production mondiale d’hydrocarbures. Cette concentration sans équivalent parmi les majors pétrolières fait du continent le véritable cœur économique de l’entreprise italienne.
Cette dépendance stratégique s’explique par la qualité des gisements africains : des actifs à faible coût unitaire exploités dans le cadre de contrats de partage de production avec des partenaires publics solides comme Sonatrach, EGAS ou NNPC.
Au sein de ce portefeuille africain, l’Algérie occupe une position particulière. Le pays se classe au deuxième rang des bénéficiaires des paiements d’ENI avec 1,2 milliard de dollars reçus en 2024, juste après la Libye (1,9 milliard).
Des infrastructures stratégiques et le plan Mattei
Cette position privilégiée repose sur des infrastructures énergétiques cruciales. ENI contrôle avec Sonatrach la dorsale Berkine-In Amenas et le gazoduc TransMed, capable d’acheminer jusqu’à 30 milliards de mètres cubes par an vers l’Italie. Les livraisons algériennes à l’Italie sont passées de 21 milliards de mètres cubes il y a deux ans à 28 milliards en 2024, faisant de l’Algérie le premier fournisseur gazier de la péninsule. L’acquisition des champs ex-BP (In Salah et In Amenas) finalisée début 2023 a renforcé la masse critique du groupe dans le sud-est saharien.
En avril 2025, le PDG Claudio Descalzi a annoncé un programme d’investissements de 24 milliards d’euros sur quatre ans consacré à l’Algérie, la Libye et l’Égypte, soit 8 milliards d’euros pour chaque pays. Ces investissements s’inscrivent dans le cadre du Plan Mattei, initiative du gouvernement italien visant à relancer les liens économiques avec l’Afrique.
Selon Descalzi, « la demande interne dans ces pays – en raison de la croissance démographique – augmente d’environ 7 à 8 % chaque année« , justifiant ces investissements massifs pour répondre à la fois aux besoins locaux et européens.
Une diplomatie énergétique pionnière
Cette stratégie africaine puise ses racines dans l’histoire d’ENI. Fondée en 1953 par Enrico Mattei, la compagnie a révolutionné les relations avec les pays producteurs en proposant le partage 50/50 des profits, rompant avec les concessions léonines des « Seven Sisters » américaines.
La formule « no-find, no-pay » offerte à l’Égypte et à l’Iran, ainsi que le soutien discret aux mouvements d’indépendance, notamment le FLN algérien, ont forgé une réputation de partenaire respectueux de la souveraineté des États producteurs. Cette approche diplomatique explique la profondeur historique des liens d’ENI avec l’Afrique du Nord.
Défis et perspectives d’avenir
Le bilan 2024 confirme une réalité incontournable : l’Afrique est le pilier stratégique d’ENI. En particulier l’Algérie qui, grâce à son potentiel gazier, sa proximité géographique avec l’Europe et les nouveaux investissements annoncés, figure au centre de cette architecture.
Le défi des prochaines années sera de concilier cette dépendance croissante avec les ambitions de décarbonation du groupe. ENI développe déjà trois centrales solaires Bir Rebaa North pour alimenter ses sites pétro-gaziers algériens et étudie un projet pilote d’hydrogène, s’inscrivant dans l’esprit de partenariat durable qui caractérise l’entreprise depuis l’époque Mattei.