Les défis de l’inclusion financière rurale aujourd’hui en Afrique et comment les dépasser


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Champ de culture
Un champ de culture

À l’échelle du continent, l’agriculture contribue à hauteur de 32% au PIB africain et emploie 65% de la main-d’œuvre, selon la Banque mondiale. Pourtant, les acteurs qui soutiennent ce secteur, petits exploitants agricoles, entrepreneurs ruraux et coopératives, comptent parmi les communautés les plus exclues financièrement du continent.

Par : Grégoire Danel Fedou, DGA, Advans International

Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), en 2024, l’usage d’Internet atteignait 57% dans les zones urbaines africaines, contre seulement 23% dans les zones rurales, soit le plus grand écart urbain-rural au monde. Cette connectivité limitée, combinée à l’isolement géographique et à une faible littératie financière, se traduit par des millions d’agriculteurs ayant peu ou pas d’accès au crédit formel ou aux services financiers classiques.

Faute de crédits abordables et fiables, de nombreux agriculteurs peinent à investir dans l’irrigation, le matériel essentiel, les semences ou les fertilisants. Les fluctuations économiques persistantes, notamment une inflation qui renchérit le coût des intrants et la volatilité des prix de vente, érodent davantage des marges déjà très faibles. Et lorsque les capacités locales de transformation sont limitées, les producteurs sont contraints de vendre leurs matières premières à des prix plus bas, perdant ainsi toute la valeur ajoutée. Sans épargne suffisante ni assurance, une seule inondation, une sécheresse ou un choc de prix peut anéantir des années d’efforts, compromettant profondément les moyens de subsistance et le développement rural sur l’ensemble du continent africain.

Pour relever ce défi, l’inclusion financière en zones rurales doit aller bien au-delà de l’accès à un compte ou à un crédit. Elle doit avant tout renforcer la résilience des populations. C’est précisément sur cet enjeu que les institutions de microfinance interviennent aujourd’hui, en réinventant l’avenir de l’inclusion financière rurale à travers le continent.

Réinventer l’inclusion financière rurale : le cas du modèle High-Tech, High-Touch d’Advans

Les banques traditionnelles ont longtemps eu du mal à servir les populations rurales en raison des coûts opérationnels élevés, de l’isolement des communautés et de la nature informelle des revenus agricoles. L’essor de la finance digitale n’a pas fondamentalement changé cette situation, car peu d’agriculteurs disposent encore d’un accès fiable à Internet.
Avec une augmentation de 26% de ses crédits agricoles en seulement un an, Advans, groupe de microfinance de premier plan actif dans plusieurs pays africains, a rapidement pris conscience de ce potentiel et adopté une approche High-Tech, High-Touch en zones rurales.

Tout d’abord, en s’associant avec des coopératives et des associations villageoises, Advans a construit un modèle basé sur la proximité et les relations en présentiel, pour informer, éduquer et partager les risques. La technologie a ensuite été introduite progressivement afin de faciliter les transactions et le remboursement des prêts, ainsi que pour proposer des crédits scolaires. Cette expansion est portée par des innovations digitales adaptées aux réalités rurales. Par exemple, au Ghana, Mobibank, une plateforme USSD, est devenue le principal canal de remboursement des crédits ruraux, permettant aux clients d’effectuer des transactions sans accès à Internet. En Côte d’Ivoire, Advans Mobilité propose des fonctionnalités de banque mobile permettant aux agriculteurs de consulter leurs soldes et de gérer leurs finances via des téléphones non connectés comme des GSM.

Les coopératives comme intermédiaires

En Afrique rurale, les coopératives se révèlent être les principaux intermédiaires entre les institutions de microfinance, comme Advans, et les communautés. Par exemple, en Côte d’Ivoire, les producteurs de cacao peuvent développer leurs plantations grâce à des prêts garantis par leurs coopératives et au soutien d’Advans Côte d’Ivoire. L’histoire d’Hervé, l’un de ces agriculteurs, illustre comment les institutions financières peuvent s’appuyer sur des groupes communautaires déjà existants.

« À travers les 700 coopératives et associations villageoises (AVEC) avec lesquelles nous collaborons, nous touchons et servons près de 40 000 agriculteurs ; non seulement dans la filière cacao, mais aussi de plus en plus dans des activités agricoles variées telles que le maïs, l’ananas, la mangue ou encore le riz. Nous explorons également d’autres chaînes de valeur », a déclaré Albert Dah, Directeur Agricole chez Advans Côte d’Ivoire.

L’impact de cette approche collaborative se constate également au Ghana voisin, où Advans a travaillé avec des coopératives de femmes dans la filière du karité, en offrant à la fois du financement et de l’éducation financière. En deux ans, plus de 2 000 responsables de coopératives ont été formées à la gestion financière et à l’épargne, permettant à leurs membres de réinvestir les bénéfices, de renforcer leurs activités et de gagner en autonomie financière.

Face au changement climatique : renforcer la résilience agricole

Le défi du développement rural est aujourd’hui indissociable de celui du changement climatique. La hausse des températures, les précipitations imprévisibles et les inondations perturbent la production à travers le continent. En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, la production de la campagne 2024/25 est estimée à 1,7 million de tonnes en raison du stress thermique, de la sécheresse et des ravageurs. En Tunisie, la sécheresse prolongée et la rareté de l’eau menacent des cultures clés telles que les olives et les dattes.

Le changement climatique n’est pas seulement une menace environnementale, c’est aussi une menace financière. Pour les agriculteurs, il se traduit par des revenus instables et un risque d’endettement accru. Pour les prêteurs, il exige de nouveaux outils pour protéger à la fois les moyens de subsistance et la solidité des portefeuilles.

Les institutions de microfinance apparaissent comme des acteurs essentiels de la résilience face au changement climatique. Advans Tunisie, par exemple, a développé un crédit individuel appelé « Crédit Saba » permettant aux petits exploitants agricoles d’emprunter jusqu’à 13 000 €, avec un plan de remboursement flexible adapté à la saisonnalité de leurs activités et de leurs flux de trésorerie, ainsi qu’une période de grâce en cas d’événement climatique extrême. En conséquence, plus d’un client tunisien sur deux déclare se sentir mieux préparé à un choc climatique futur grâce à son prêt Advans, et 30% évoquent l’achat et l’installation de systèmes d’irrigation¹. Le financement agricole représente désormais un tiers du portefeuille d’Advans Tunisie.

Pratiques agroforestières

Advans Côte d’Ivoire adopte une approche globale pour aider les agriculteurs à s’adapter aux risques climatiques. L’institution a formé plus de 1 000 agriculteurs à la gestion des aléas, de la diversification des cultures à l’adoption de pratiques agroforestières. Une initiative clé, le programme Crédit Agroforesterie, propose des prêts via quatre coopératives partenaires pour financer des projets agroforestiers. Le projet est soutenu par l’AFD² et bénéficie d’une assistance technique de l’ONG AVSF.

De plus, les agriculteurs ont désormais accès à une assurance indicielle climatique grâce à un partenariat avec l’AssurTech OKO. Après une phase pilote qui a permis de tester deux modèles d’assurance distincts, la nouvelle solution protège aujourd’hui plus de 800 producteurs via leurs coopératives respectives. Les indemnités sont automatiquement déclenchées en cas de faibles précipitations, supprimant ainsi le besoin de déclarations individuelles. La période de couverture s’étend d’octobre 2025 à mars 2026, s’alignant sur la saisonnalité de l’activité.

Renforcer la résilience de la finance rurale

Le constat est clair. La croissance agricole en Afrique nécessite une révision et une refonte des solutions financières rurales, afin de rendre les services financiers accessibles même dans les zones à connectivité limitée. Avec une stratégie ancrée dans les réalités locales, Advans allie solutions technologiques et proximité. Une proximité individualisée en Tunisie, ou s’appuyant sur les réseaux de coopératives et associations villageoises en Côte d’Ivoire.

L’inclusion financière rurale progresse. L’approche High-Tech, High-Touch d’Advans illustre parfaitement comment la faire avancer, en combinant innovation, proximité et partenariats pour accompagner les agriculteurs vers un avenir plus sûr.

¹ Enquête 60 Decibels réalisée auprès de 280 clients en Tunisie en 2024.
² Agence Française de Développement

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