Guinée : lancement historique du mégaprojet minier de Simandou


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Le projet Simandou
Le projet Simandou en Guinée

Le Président guinéen, Mamadi Doumbouya, s’apprête à lancer ce mardi le gigantesque projet minier de Simandou. Un projet attendu pour servir de vitrine économique et politique au régime Doumbouya.

Alors que la Guinée s’apprête à entrer en campagne pour l’élection présidentielle du 28 décembre, le Président Mamadi Doumbouya, qui est candidat, va officiellement lancer, ce jour, l’exploitation du site minier de Simandou attendu depuis une trentaine d’années. Ce lancement intervient quelques semaines après le démarrage de l’extraction du minerai de fer sur le site.

Trente ans d’attente : une étape historique

C’est un jour que les autorités guinéennes présentent comme historique. Ce mardi 11 novembre 2025, la Guinée  va inaugurer le mégaprojet minier de Simandou, l’un des plus vastes gisements de fer au monde, situé dans le sud-est du pays. Après près de trois décennies de retards, de litiges et de blocages diplomatiques, le site s’apprête enfin à entrer dans sa phase opérationnelle, marquant une étape décisive pour l’économie nationale.

La cérémonie officielle se tiendra au port de Morébaya, près de Conakry, par où transiteront les premières tonnes de minerai destinées à l’exportation. Un moment hautement symbolique, voulu comme la démonstration d’une Guinée « debout et souveraine », selon les mots du général Mamadi Doumbouya, Président de la transition.

Un projet minier colossal, vitrine du régime

Le projet Simandou est considéré comme le plus grand investissement minier d’Afrique subsaharienne. Porté par un consortium réunissant Rio Tinto, le chinois Winning Consortium Simandou (WCS) et l’État guinéen, il comprend la construction de 650 kilomètres de voie ferrée reliant les montagnes de Simandou au port de Morébaya, ainsi qu’un terminal minéralier ultramoderne.

Le minerai extrait, d’une pureté exceptionnelle (plus de 65 % de fer), pourrait placer la Guinée parmi les principaux exportateurs mondiaux dès 2026. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’exploitation du site pourrait augmenter le PIB guinéen de 26 % d’ici à 2030 et générer des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects.

Mais au-delà des chiffres, l’événement prend une dimension hautement politique : le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) en a fait le symbole de son programme économique à quelques semaines de la Présidentielle du 28 décembre, à laquelle le général Doumbouya est candidat.

« Simandou 2040 » : le rêve d’une Guinée émergente

Les autorités guinéennes présentent d’ores et déjà ce lancement comme le moteur du plan “Simandou 2040”, un programme de développement à long terme qui ambitionne de transformer la Guinée en puissance industrielle régionale.

« Ce que le pétrole a représenté pour les pays du Golfe, Simandou le représentera pour la Guinée », soutiennent les responsables guinéens qui placent beaucoup d’espoir dans ce projet. Le gouvernement promet une redistribution équitable des richesses minières, un fonds de développement local et une valorisation sur place du minerai, notamment à travers la construction d’unités de transformation sidérurgique.

Cependant, plusieurs économistes et ONG appellent à la prudence. Le chercheur guinéen Ibrahima Diallo, cité par Jeune Afrique, avertit : « Si les revenus miniers ne sont pas gérés avec transparence et équité, Simandou pourrait devenir une malédiction plutôt qu’une bénédiction ».

Une cérémonie politique sous haute visibilité internationale

La cérémonie qui aura lieu ce jour à Morébaya prend les allures d’un événement diplomatique majeur. On y note notamment la présence de deux chefs d’État invités : le Président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, et le Président rwandais, Paul Kagame.

Leur présence, hautement symbolique, consacrera l’image d’un réseau d’alliances africaines soudé autour des régimes militaires ou réformistes. Oligui Nguema et Doumbouya avaient déjà affiché leur proximité lors de la cérémonie d’investiture du Gabonais, en mai dernier, marquée symboliquement par la remise d’un flambeau entre les deux dirigeants.

Quant à Paul Kagame, il renforce son ancrage à Conakry : la capitale guinéenne accueillera dès ce mercredi le Sommet africain sur l’intelligence artificielle, organisé par l’initiative rwandaise Smart Africa, dont il est l’un des parrains.

Entre promesses et incertitudes

Pour le régime guinéen, Simandou incarne la réussite économique et la stabilité retrouvée après quatre années de transition. Mais l’exploitation du gisement pose plusieurs défis : risques environnementaux, partage inégal des bénéfices, endettement croissant vis-à-vis de partenaires étrangers, notamment chinois.

De plus, le lancement du projet survient dans un climat politique tendu, à quelques semaines du scrutin présidentiel. Les opposants dénoncent une instrumentalisation électorale du projet et une mise en scène populiste du pouvoir militaire.

Pour le commun des Guinéens, Simandou suscite à la fois espoir et méfiance. Espoir d’une prospérité durable ; méfiance face à un passé où la manne minière a souvent profité à une élite restreinte. Une chose est sûre : en liant son destin politique à celui du fer de Simandou, le général Doumbouya joue une partie décisive, à la fois pour son avenir personnel et pour celui de la Guinée. Affaire à suivre.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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