Crise politique et sécurité au centre du sommet extraordinaire de la CEDEAO à Abuja


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Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) clôture l’année de son cinquantenaire, les chefs d’État et de gouvernement des douze pays membres se retrouvent ce dimanche 14 décembre 2025 à Abuja pour un sommet extraordinaire placé sous haute tension politique et sécuritaire. Trois dossiers dominent l’agenda : la tentative de coup d’État au Bénin, le renversement du président de la Guinée-Bissau et l’escalade du terrorisme dans la région.

Le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO qui se tient ce dimanche à Abuja s’annonce très relevé, au regard des dossiers chauds à discuter. Sans doute, d’importantes décisions sortiront de ces assises qui se tiennent à un moment particulièrement critique de l’existence de l’organisation régionale.

Un contexte de crises multiples

La réunion de ce dimanche était initialement annoncée au lendemain du coup de force en Guinée-Bissau. Une semaine jour pour jour avant sa tenue, c’est au tour du Bénin d’être secoué par une tentative de putsch qui a momentanément plongé Cotonou dans l’incertitude avant d’être maîtrisée par l’armée loyale au Président Patrice Talon. Des militaires mutins ont annoncé à la télévision nationale la destitution du chef de l’Etat béninois avant d’être neutralisés avec l’appui de troupes nigérianes et d’avions de chasse dépêchés dans le pays. La CEDEAO a fermement condamné ces actions, réaffirmant son soutien au gouvernement constitutionnel et son intention d’utiliser tous les moyens nécessaires, y compris la force en attente, pour protéger l’ordre démocratique.

Parallèlement, la Guinée-Bissau a connu, le 26 novembre, la destitution du Président Umaro Sissoco Embaló quelques jours après un scrutin contesté. La junte, dirigée par le général Horta N’Tam, a pris les commandes du pays dans un contexte de forte instabilité institutionnelle et de refus d’annoncer les résultats officiels des élections du 23 novembre. À la veille de la visite d’une délégation de la CEDEAO conduite par son président en exercice, le Sierra-léonais, Julius Maada Bio, à Bissau, de nombreuses organisations de la société civile ouest-africaines ont appelé la CEDEAO à exiger la publication sans délai de ces résultats et à contraindre les autorités militaires à restaurer l’ordre constitutionnel. Ce qui fut sans suite.

Ces deux crises politiques s’inscrivent dans un contexte plus large de fragilité régionale, marquée par une prolifération des coups d’État et de tensions sur la gouvernance démocratique, qui testent la crédibilité et l’unité de l’organisation.

Sécurité régionale : le défi du terrorisme

Outre les troubles politiques, l’un des points saillants du sommet porte sur la détérioration de la situation sécuritaire dans le nord des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest. Depuis plus d’un an, la CEDEAO a maintenu une force en attente destinée à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, mais les derniers rapports dressent un tableau plus sombre encore : les attaques se multiplient dans une bande de plus en plus étendue, du nord de la Côte d’Ivoire au nord du Nigeria.

Lors de la récente réunion des ministres, les dirigeants régionaux ont mis en garde contre la propagation de l’extrémisme violent, la circulation des armes légères et les trafics transfrontaliers, appelant à un renforcement de la coopération sécuritaire. La persistance des menaces terroristes met en lumière les limites des mécanismes actuels et la nécessité d’accélérer l’activation opérationnelle de la force en attente de la CEDEAO, un objectif régulièrement souligné par les experts de la région.

Vers quelles décisions ?

Plusieurs décisions clés sont attendues à l’issue du sommet de ce dimanche :

  • Le sort des 200 hommes déployés au Bénin après la tentative de putsch : la conférence doit statuer sur leur prolongation, un renforcement possible par des contingents du Ghana ou de Sierra Leone, ou une redéfinition de leur mandat.
  • Les sanctions et mesures contre la junte de Guinée-Bissau : la CEDEAO pourrait resserrer son arsenal de sanctions ciblées ou envisager des mesures politiques renforcées, sous pression de l’opposition bissau-guinéenne et de la société civile.
  • Une feuille de route sur la lutte antiterroriste : face à l’expansion des attaques, une stratégie concertée visant à consolider les opérations transfrontalières et à revitaliser la force régionale constitue un impératif pour la stabilité à long terme. Sur ce point, l’organisation régionale est particulièrement attendue, son attentisme sur la question depuis des années face à un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur est particulièrement critiqué dans la sous-région.

Au demeurant, l’enjeu de ce sommet dépasse largement les cas béninois et bissau-guinéen : il s’agit pour la CEDEAO de rétablir sa capacité d’action face aux crises constitutionnelles, d’affirmer son rôle en matière de sécurité collective et de restaurer la confiance intérieure comme extérieure dans la dynamique démocratique ouest-africaine.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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