
Faire le plein de son réservoir est un acte dont le coût varie du simple au décuple, voire au soixantième, en Afrique. Cette dépense courante révèle des réalités économiques et politiques profondément divergentes à travers le continent. Les écarts de prix considérables sont le fruit de subventions étatiques, de statuts de pays producteurs et de réformes structurelles, souvent imposées dans la douleur. Si la Libye détient le record absolu du litre le moins cher (à 0,027 dollar), en raison d’une situation politique et économique singulière, d’autres pays maintiennent également des tarifs extrêmement bas favorables aux consommateurs. Voici le classement, hors le cas spécifique libyen.
Le podium des carburants bon marché : Angola, Algérie, Égypte
Derrière la Libye, dont le prix symbolique du litre d’essence s’explique par des subventions massives et une instabilité chronique, le trio de tête africain est dominé par des pays producteurs d’hydrocarbures : l’Angola, l’Algérie et l’Égypte.
L’Angola se positionne comme le leader en Afrique subsaharienne avec un litre à environ 0,33 dollar. Il est suivi de près par l’Algérie, qui affiche des tarifs comparables, aux alentours de 0,35 dollar le litre. Dans ces deux nations, faire un plein de 50 litres coûte environ 17 dollars, soit l’équivalent d’un peu plus de 10 000 FCFA. L’Égypte complète ce classement avec un prix de 0,45 dollar le litre.
Pour ces géants pétroliers et gaziers, maintenir des prix bas est une stratégie alliant politique sociale et recherche de stabilité. En effet, ces tarifs subventionnés constituent un soutien direct à la compétitivité des entreprises locales et un surcroit de pouvoir d’achat pour les consommateurs.
Le Nigeria et la pression des réformes
Le Nigeria, premier producteur de pétrole du continent, illustre parfaitement la complexité de gérer la politique des prix. Classé sixième à 0,61 dollar le litre, le pays a vu ses prix considérablement augmenter suite à la levée partielle des subventions.
Cette réforme, soutenue par des institutions financières comme le FMI etait jugée nécessaire pour assainir les finances publiques. Elle a fait bondir le coût d’un plein (50 litres) à environ 30 dollars (18 000 FCFA). Un changement radical pour la population, habituée à des prix dérisoires, qui a généré d’importantes tensions sociales.
Du grand écart en Afrique de l’Ouest à la cherté australe
Au-delà des producteurs subventionnés, l’Afrique présente des disparités régionales massives. En Afrique de l’Ouest, les pays de l’UEMOA montrent un écart significatif. Le Niger offre le prix le plus bas de la zone à 499 FCFA le litre, tandis que le Sénégal, avant sa récente baisse, culminait à près de 990 FCFA, un écart du simple au double. En décembre 2025, le Sénégal a toutefois vu son prix baisser à 920 FCFA le litre, en partie grâce au début de sa production pétrolière nationale, offrant un répit bienvenu aux automobilistes.
À l’autre extrémité du spectre, les régions australe et orientale affichent des prix souvent bien plus élevés, proches ou supérieurs à la moyenne mondiale. L’Afrique du Sud se situe à 1,18 dollar le litre, le Kenya à 1,42 dollar, et le Cameroun à 1,47 dollar. Ces tarifs élevés signalent des économies où les subventions ont été considérablement réduites ou carrément abandonnées au profit de taxes.
Le fardeau du carburant sur le pouvoir d’achat
Les chiffres absolus des prix masquent l’impact réel de cette dépense sur les ménages. Le véritable enjeu est le rapport au pouvoir d’achat. Si en Libye, le coût d’un plein est négligeable, au Sénégal ou au Cameroun, un travailleur modeste peut y engloutir l’équivalent d’une semaine de salaire.
La charge financière induite par un carburant cher a des répercussions bien au-delà de la pompe. L’augmentation des coûts de transport se répercute inéluctablement sur les prix des biens de consommation et des denrées alimentaires. Cette réalité explique la forte sensibilité politique des prix de l’essence, qui reste en Afrique un baromètre social capable de déclencher des émeutes et qui force les gouvernements à hésiter à supprimer des subventions, même lorsqu’elles sont ruineuses pour les finances publiques.



