
Détectée pour la première fois en France le 29 juin 2025, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) s’est rapidement propagée dans plusieurs départements, entraînant abattages sanitaires, zonages et campagnes de vaccination massives sur fond d’affrontement entre les internautes et les forces de police. Au même moment, le Maghreb connaît une circulation active du virus, de quoi relancer la question d’un risque transméditerranéen dans un contexte climatique favorable à la prolifération des insectes vecteurs.
Détectée pour la première fois en France le 29 juin 2025, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) s’est rapidement installée dans plusieurs départements, obligeant l’État à déployer abattages sanitaires, zonages et vaccination de masse dans une ambiance tendue avec des affrontements régulier entre les forces de l’ordre et les agriculteurs. Au même moment, le Maghreb et plus largement l’Afrique du Nord, connaît une circulation active du virus, dans un contexte climatique propice aux insectes vecteurs. De quoi nourrir une question sensible : la France paie-t-elle, à son tour, l’addition d’une maladie portée par les insectes et accélérée par un climat plus favorable à leur prolifération ?
Une maladie bovine devenue très concrète en France
La DNC n’est pas une nouveauté mondiale : cette maladie virale des bovins et des buffles, due au virus LSDV, a longtemps été associée à l’Afrique subsaharienne avant de s’étendre à d’autres régions. Mais en 2025, elle est devenue un sujet très concret pour les éleveurs français : au 9 décembre 2025, 109 foyers avaient été détectés en France, répartis dans huit départements, avec la Savoie et la Haute-Savoie en tête.
Derrière ce chiffre, la mécanique sanitaire est lourde. Classée parmi les épizooties à éradication immédiate, la maladie entraîne détection rapide, dépeuplement total des bovins du foyer, restrictions de mouvements, et surtout vaccination massive et obligatoire dans les zones réglementées, prise en charge par l’État.
Un point est martelé par les autorités : la DNC ne présente aucun risque pour l’être humain, ni par contact, ni par consommation, ni par piqûre d’insectes vecteurs. Le risque est d’abord économique et agricole : baisse de production laitière, amaigrissement, atteintes cutanées, pertes liées aux abattages et restrictions commerciales.
Une maladie “méditerranéenne” : le Maghreb comme maillon clé
Là où le sujet devient inflammable, c’est sur la question de l’origine. Attribuer l’introduction du virus en France au seul Maghreb serait prématuré : les routes possibles sont multiples, des mouvements d’animaux aux matériels et véhicules, en passant par la circulation d’insectes vecteurs. En revanche, la situation épidémiologique en Afrique du Nord est, elle, bien documentée.
Une note de la Plateforme ESA rappelle qu’à partir de juin 2024, un nombre croissant de foyers a été détecté en Algérie, en Tunisie et en Libye, signe d’une circulation active du virus dans cette partie de la Méditerranée. Le même document mentionne une première détection officielle en Algérie le 4 juin 2024, puis en Tunisie le 31 juillet 2024, alors que la Libye signalait déjà des foyers depuis 2023.
Autre élément rarement rappelé : le Maroc apparaît, dans ces synthèses, comme le seul pays d’Afrique du Nord n’ayant jamais déclaré de foyer, ce qui bouscule l’idée d’un “Maghreb homogène” face à la maladie.
Une dynamique de bassin méditerranéen plutôt qu’une ligne directe
Comment relier ce tableau nord-africain à la situation française ? Un point de jonction important tient au fait que la DNC a frappé l’Italie quelques jours avant la France : des foyers ont été signalés en Sardaigne et en Lombardie en juin 2025, puis la France confirme son premier foyer en Savoie le 29 juin 2025. Le scénario le plus solide n’est donc pas forcément “Maghreb → France” en ligne directe, mais une dynamique de bassin méditerranéen où Afrique du Nord et Europe du Sud se retrouvent exposées en même temps.
Dans cet espace, circulent marchandises, animaux, véhicules… et insectes, sur fond de réchauffement climatique et de conditions de plus en plus favorables aux vecteurs.La maladie se propage surtout via des insectes hématophages qui transportent mécaniquement le virus d’un animal à l’autre, sans que celui-ci ne se réplique dans l’insecte. Certaines espèces de mouches et de moustiques, mais aussi des tiques, sont identifiées parmi les vecteurs potentiels, dans un schéma très proche d’autres maladies à transmission vectorielle.
Les conditions chaudes et humides favorisent la prolifération de ces insectes, ce qui augmente les fenêtres de transmission et accroît le risque de diffusion, y compris dans des zones qui n’étaient pas historiquement touchées.
Ce que la crise française dit de la coopération avec le Sud
Face à l’épizootie, la France applique le triptyque classique de la santé animale : abattage dans les foyers, restrictions de mouvements et vaccination à grande échelle des bovins. Mais la DNC rappelle une limite majeure : on peut encadrer les transports d’animaux, beaucoup moins les insectes qui volent, et encore moins les conditions météorologiques qui évoluent.
Et au final, la frontière sanitaire ne s’arrête pas à la frontière administrative. Il est nécessaire de construire une riposte commune à l’échelle du bassin méditerranéen : surveillance partagée, transparence des notifications, coordination vaccinale et soutien aux stratégies de contrôle des vecteurs au Nord comme au Sud.





