Algérie, Tunisie et Égypte unies pour la stabilité libyenne


Lecture 3 min.
Libye manifestation
Libye manifestation

Une réunion ministérielle s’est tenue hier à Alger pour développer les efforts régionaux afin de résoudre la crise libyenne. Cette rencontre tripartite révèle une approche pragmatique fondée sur la légitimité du voisinage et l’expérience partagée des transitions politiques complexes.

Les trois pays réunis autour de la table algéroise partagent d’abord avec la Libye des larges frontières. Mais chacun porte aussi en lui l’expérience des bouleversements politiques, des défis sécuritaires et des aspirations populaires à la stabilité. Cette proximité géographique et culturelle confère au mécanisme tripartite une crédibilité particulière : celle d’acteurs directement concernés par les répercussions du chaos libyen, qu’il s’agisse des flux migratoires, du trafic d’armes ou de la menace terroriste.

Mohamed Ali Nafti, Ahmed Attaf et Badr Abdel Aaty incarnent cette diplomatie de proximité qui refuse de laisser le destin de la Libye entre les mains d’acteurs lointains aux agendas parfois contradictoires. Leur message est clair : la solution ne peut venir que d’un dialogue authentiquement libyen, facilité mais non dicté par les voisins immédiats.

L’équation sécurité-développement : une vision holistique

L’originalité de l’approche tripartite réside dans sa reconnaissance explicite du lien entre sécurité et développement. Loin de se limiter aux aspects militaires ou politiques, les trois ministres posent un diagnostic global : l’absence de perspectives économiques alimente l’instabilité, tandis que l’insécurité paralyse toute tentative de reconstruction.

Cette vision dépasse le cadre traditionnel des négociations de cessez-le-feu pour englober la reconstruction institutionnelle, la relance économique et la réconciliation nationale. C’est reconnaître que la paix ne se décrète pas mais se construit patiemment, en restaurant la confiance entre les Libyens eux-mêmes et en leur offrant un horizon de prospérité partagée.

Le défi de la souveraineté face aux ingérences

La fermeté du communiqué final concernant les ingérences étrangères et la présence de mercenaires reflète une frustration grandissante face à la transformation de la Libye en terrain d’affrontement par procuration. Les trois pays, qui ont eux-mêmes connu ou connaissent les tentations d’influence extérieure, comprennent viscéralement le danger de laisser des puissances étrangères dicter l’agenda libyen.

Cette position commune traduit une conviction profonde : tant que des combattants étrangers fouleront le sol libyen et que des capitales lointaines financeront des factions rivales, aucune solution durable ne sera possible. Le retrait des forces étrangères n’est pas une condition parmi d’autres, c’est le préalable à tout processus politique crédible.

L’insistance sur le rôle central des Nations unies, de la Ligue arabe et de l’Union africaine révèle une stratégie subtile. D’un côté, les trois pays reconnaissent la nécessité d’un cadre multilatéral légitime pour éviter l’anarchie des initiatives bilatérales concurrentes. De l’autre, leur coordination tripartite leur permet de peser collectivement sur l’agenda onusien, évitant que la mission internationale ne devienne un simple paravent pour des intérêts géopolitiques divergents.

L’Algérie, membre non permanent du Conseil de sécurité, joue ici un rôle pivot en portant la voix du voisinage dans l’enceinte new-yorkaise. Cette présence institutionnelle renforce le poids du mécanisme tripartite et lui confère une capacité d’influence dépassant le cadre régional.

La décision de tenir la prochaine réunion à Tunis début 2026 témoigne d’une volonté de pérenniser ce mécanisme. Face aux bouleversements qui secouent le Maghreb et le Machrek, la Tunisie, l’Algérie et l’Égypte esquissent une voie médiane : ni isolement ni alignement, mais coordination pragmatique au service de la stabilité régionale.

Avatar photo
Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News