
La Guinée-Bissau vient d’entrer dans une nouvelle phase de turbulence institutionnelle après l’arrivée au pouvoir du général Horta N’Tam, dont l’investiture précipitée a immédiatement provoqué une onde de choc régionale. Alors que les militaires consolident leur contrôle sur l’État, la CEDEAO réagit avec fermeté et alerte sur un risque de déstabilisation.
La Guinée-Bissau traverse une nouvelle secousse politique d’envergure après le coup d’État militaire qui a renversé les autorités civiles. Au lendemain de la prise de pouvoir, le général Horta N’Tam a été officiellement investi président de la Transition et chef du Haut commandement militaire, lors d’une cérémonie organisée à Bissau sous haute sécurité. Cette annonce marque un tournant délicat pour le pays, alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dénonce « une violation grave de l’ordre constitutionnel » et appelle au retour immédiat à un pouvoir légitime.
Une investiture sous tension au cœur de l’état-major
La cérémonie d’investiture s’est tenue au siège de l’état-major des forces armées, bouclé par des dizaines de soldats lourdement armés. Après avoir prêté serment, le général Horta N’Tam a déclaré assumer désormais « la direction du Haut commandement », sans donner plus de détails sur ses priorités immédiates. Une mise en scène militaire qui cache mal l’emprise totale de l’armée sur les institutions après l’annonce, la veille, de la suspension du processus électoral.
Dans la foulée, les putschistes ont ordonné la réouverture immédiate des frontières, fermées lors de la prise du pouvoir. Ils ont également annoncé que la période de transition durerait un an, sans qu’un calendrier politique ou électoral n’ait été précisé. Cette absence de détails entretient le flou dans un pays où les résultats de la présidentielle et des législatives du 23 novembre n’avaient toujours pas été proclamés.
La CEDEAO condamne « sans équivoque » le renversement du gouvernement
Face à cette brusque rupture institutionnelle, la CEDEAO a réagi avec une fermeté inhabituelle. Dans un communiqué publié juste après l’investiture du général, l’organisation ouest-africaine a condamné « sans équivoque » le coup d’État, qualifié de « grave violation de l’ordre constitutionnel » et de menace pour « la stabilité du pays et de toute la région ». La CEDEAO rappelle qu’elle applique une politique stricte de tolérance zéro envers les changements anticonstitutionnels de gouvernement.
Les missions électorales de la CEDEAO, de l’Union africaine et du Forum ouest-africain des sages ont également signé une déclaration commune appelant au rétablissement de l’ordre constitutionnel et à la protection de l’intégrité du processus démocratique. La communauté internationale redoute une nouvelle spirale de crises politiques dans un pays déjà marqué par de multiples tentatives de putsch.
Un coup de force sur fond de tensions électorales
Ce nouvel épisode intervient dans un climat post-électoral extrêmement tendu. Trois jours après la Présidentielle, deux camps revendiquaient déjà la victoire : celui du Président sortant Umaro Sissoco Embaló et celui du candidat indépendant Fernando Dias. Des tirs avaient été entendus près de la présidence, alimentant une atmosphère explosive.
Le Président Embaló, âgé de 53 ans, avait confirmé avoir été arrêté et détenu à l’état-major lors du coup d’État du 26 novembre. Il avait précisé être « bien traité », tout en évoquant des contraintes de sécurité qui l’empêchent d’en dire davantage. Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, Embaló avait déjà survécu à plusieurs tentatives de renversement, sur fond de rivalités politiques profondes. En octobre, il avait accusé l’ex-Premier ministre Domingos Simões Pereira d’avoir orchestré un complot contre lui.
Un pays de nouveau plongé dans l’incertitude
Avec 2,2 millions d’habitants, la Guinée-Bissau se retrouve une fois de plus au cœur d’une crise institutionnelle d’envergure. L’instauration d’une transition militaire d’un an sans feuille de route précise, l’arrestation du Président sortant et la condamnation unanime des organisations régionales ouvrent une période d’instabilité dont l’issue reste imprévisible. La CEDEAO pourrait envisager des sanctions si les militaires ne s’engagent pas rapidement dans un dialogue politique.



