Guinée-Bissau : arrestation de Domingos Simões Pereira et basculement du pays sous contrôle militaire


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Domingos Simões Pereira
Domingos Simões Pereira

La Guinée-Bissau s’enfonce dans une crise d’une ampleur rare après l’arrestation inattendue de Domingos Simões Pereira et l’apparition soudaine d’un pouvoir militaire. En quelques heures, le pays a basculé dans une atmosphère de verrouillage politique, marquée par la suspension des institutions et la montée d’une tension palpable dans la capitale. Alors que le pays attendait encore les résultats électoraux, la scène nationale s’est brutalement transformée, laissant la population dans l’incertitude et la crainte d’un nouveau cycle de violences.

La Guinée-Bissau traverse une nouvelle période de turbulences, marquée par l’arrestation soudaine de l’opposant Domingos Simões Pereira et la prise de pouvoir par une faction de l’armée. Mercredi, alors que la tension politique atteignait son paroxysme à la suite du double scrutin du 23 novembre, des hommes armés ont appréhendé l’ancien Premier ministre, figure emblématique du PAIGC. Son entourage, inquiet, affirme ne pas connaître l’identité exacte des assaillants ni les raisons immédiates de cette opération, même si le climat national laisse peu de place au doute.

Simões Pereira, exclu de la Présidentielle pour un dépôt de dossier jugé tardif, s’était rangé derrière la candidature de Fernando Dias, lui-même persuadé d’avoir remporté le scrutin. Or, alors que le pays attendait encore la proclamation officielle des résultats, l’appareil d’État a brusquement basculé sous le contrôle des militaires, plongeant la capitale, Bissau, dans une atmosphère irréelle faite de couvre-feux, de rumeurs d’arrestations et de circulations restreintes.

Un putsch orchestré à la veille des résultats électoraux

Les événements ont véritablement pris une tournure décisive dans la nuit du 25 au 26 novembre. Quelques heures avant la publication des résultats partiels, une faction de l’armée dirigée par le général Dinis N’Tchama a renversé le président sortant, Umaro Sissoco Embaló. Ce dernier a été interpellé en pleine journée, affirmant depuis sa détention qu’il n’avait subi aucune violence. Embaló assurait jusqu’ici avoir largement gagné l’élection dès le premier tour, revendiquant 65% des voix, bien que l’autorité électorale n’ait pas encore confirmé ces chiffres.

Dans un message diffusé sur la télévision nationale, le général N’Tchama a justifié la prise de pouvoir par « la nécessité de restaurer l’ordre public ». Il a évoqué l’existence d’un prétendu réseau mêlant responsables politiques et trafiquants de stupéfiants, présenté comme une menace directe pour la sécurité nationale. L’apparition d’un “dépôt d’armes de guerre” aurait, selon lui, précipité l’intervention militaire.

Institutions suspendues et pays sous haute surveillance

À peine la junte avait-elle annoncé son installation qu’une série de mesures drastiques a été mise en place : suspension de toutes les institutions civiles, fermeture des frontières, blocage des médias d’État et instauration d’un couvre-feu entre 19 h et 6 h. Les principaux axes de Bissau ont immédiatement été placés sous contrôle militaire, tandis que les habitants, pris de court, tentaient de se mettre à l’abri face aux premières détonations entendues près du palais présidentiel.

Dans la matinée de mercredi, des témoins ont rapporté des scènes de panique. Les rues se sont vidées en l’espace de quelques minutes, les commerces ont baissé leurs rideaux et plusieurs quartiers centraux ont été bouclés par des soldats lourdement armés. Des échanges de tirs ont ensuite éclaté autour de bâtiments institutionnels, notamment près de la commission électorale, alimentant les inquiétudes quant à d’éventuelles luttes internes au sein des forces de sécurité.

Un paysage politique fracturé

La crise actuelle résulte d’un paysage politique extrêmement fragmenté. D’un côté, Embaló revendiquait une victoire claire, tandis que Fernando Dias, soutenu par le PAIGC, affirmait également être en tête. L’élimination de Domingos Simões Pereira de la course présidentielle avait déjà créé une forte polarisation : l’électorat traditionnel du PAIGC s’était en grande partie reporté sur Dias, rendant l’issue du scrutin particulièrement imprévisible.

L’arrestation de Simões Pereira, figure historique du parti et acteur influent de la vie politique bissau-guinéenne, pourrait accentuer davantage les divisions et prolonger l’incertitude. Son entourage a déclaré qu’il « n’était pas en sécurité », sans pouvoir préciser où il se trouve ni dans quelles conditions il est détenu.

Un pays à nouveau plongé dans l’inconnu

La Guinée-Bissau, habituée depuis son indépendance à des renversements de pouvoir et à des crises institutionnelles, semble une fois de plus prise dans un cycle d’instabilité. Alors que les frontières restent fermées et que les institutions sont paralysées, les habitants attendent dans l’inquiétude de connaître la suite : un gouvernement militaire durable, une transition contrôlée ou un nouveau bras de fer entre factions rivales.

Pour l’heure, aucune clarification n’a été donnée sur le sort des principaux acteurs politiques arrêtés, ni sur la manière dont le processus électoral pourrait reprendre. Une seule certitude s’impose : le pays est entré dans une nouvelle phase de tension dont l’issue reste totalement imprévisible

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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