
Vingt-quatre heures après l’annonce d’un nouveau coup d’État en Guinée-Bissau, la situation reste confuse et tendue à Bissau. Les militaires, regroupés au sein d’un organe se présentant comme le High Military Command for the Restoration of National Security and Public Order, affirment désormais contrôler l’ensemble des institutions du pays. Cette prise de pouvoir intervient au moment le plus délicat du processus électoral, alors que les résultats de la présidentielle et des législatives du 23 novembre n’avaient pas encore été rendus publics et que les deux principaux candidats, Umaro Sissoco Embaló et l’opposant Fernando Dias da Costa, revendiquaient chacun la victoire.
Le président sortant, Umaro Sissoco Embaló, a été arrêté dans son bureau au palais présidentiel. Son entourage confirme qu’il est détenu par l’armée, dont les chefs affirment agir pour « éviter le chaos » après une élection qu’ils jugent « irrégulière ». Les nouvelles autorités ont suspendu le processus électoral, fermé les frontières aériennes, terrestres et maritimes et instauré un couvre-feu nocturne. Les médias ont été placés sous contrôle militaire et plusieurs responsables politiques auraient été conduits vers des lieux de détention tenus secrets.
Ce coup d’État plonge à nouveau la Guinée-Bissau dans l’instabilité chronique qui marque sa vie politique depuis deux décennies. Les militaires justifient leur action par la crainte d’une crise institutionnelle majeure liée au scrutin contesté. Selon eux, l’explosion imminente d’un conflit politique aurait rendu indispensable une intervention « pour préserver l’ordre public ». Une partie de la classe politique, y compris dans l’opposition, dénonce au contraire une prise de pouvoir opportuniste destinée à interrompre un processus électoral qui pouvait aboutir à l’alternance.
Le Portugal alerte sur les risques d’une dérive en Guinée Bissau
Les observateurs internationaux présents à Bissau pour l’élection, notamment ceux de la CEDEAO, de l’Union africaine et du Forum des anciens dirigeants ouest-africains, se disent « profondément préoccupés ». Ils exigent la libération de toutes les personnalités arrêtées, la reprise immédiate de la publication des résultats et un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Le Portugal, ancienne puissance coloniale, a également demandé la fin des violences, rappelant que le pays « ne peut se permettre une nouvelle dérive militaire ».
Dans les rues de Bissau, l’inquiétude domine. Les commerces ont baissé leurs rideaux, les transports sont paralysés et la population observe avec anxiété les mouvements des patrouilles militaires. La fermeture des frontières commence déjà à affecter l’approvisionnement en marchandises, dans un pays qui dépend largement des importations. Les habitants redoutent également un cycle de répressions ciblées au sein des partis politiques et parmi les journalistes.
À court terme, la Guinée-Bissau semble entrer dans une période d’incertitude totale. Les partenaires internationaux risquent de suspendre leurs programmes d’aide, aggravant une situation économique déjà fragile dans l’un des pays les plus pauvres d’Afrique de l’Ouest. À moyen terme, la possibilité d’une transition prolongée dirigée par les militaires fait craindre un retour durable aux pratiques qui ont fait de la Guinée-Bissau un État fragile. Il faut aussi rappeler que la Guinée-Bissau, située sur la côte ouest de l’Afrique, est depuis quelques années une véritable tête de pont du trafic de drogue international. Ainsi, comme lors de la tentative de coup d’Etat de 2022, l’ombre des narcotraficants plane derrière la prise de pouvoir militaire.



