Guinée-Bissau : la Commission électorale se déclare incapable de publier les résultats


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Drapeau de la Guinée Bissau
Drapeau de la Guinée Bissau

Moins d’une semaine après le coup de force militaire, la Guinée-Bissau s’enfonce un peu plus dans l’incertitude politique. Ce mardi 2 décembre, la Commission nationale électorale (CNE) a rompu un silence de plusieurs jours pour annoncer qu’aucun résultat des élections présidentielle et législatives ne pourra être publié, faute de disposer des procès-verbaux confisqués par l’armée. Une déclaration qui confirme la paralysie totale du processus électoral et accentue les inquiétudes sur la trajectoire du pays.

Des élections pour rien. De l’argent des contribuables d’un des pays les plus pauvres du monde dépensé pour rien. Voilà la réalité crue qui apparaît en Guinée-Bissau depuis la prise du pouvoir par les militaires au moment où la Commission électorale s’activait pour proclamer les résultats du scrutin du 23 novembre. Cette réalité est devenue une évidence avec l’annonce faite ce mardi par la Commission de son incapacité à publier les résultats.

La CNE privée de ses moyens par les militaires

Pour la première fois depuis le putsch, le président de la CNE, Npabi Cabi, est apparu brièvement devant la presse. Visiblement éprouvé par cinq jours de détention, il n’a pas prononcé un mot. À ses côtés, les commissaires électoraux ont délivré un message clair :
il est matériellement impossible de publier les résultats, les documents électoraux essentiels ayant été saisis par les forces armées.

Non seulement les procès-verbaux des régions, mais aussi ceux de Bissau, ainsi que les ordinateurs et téléphones du personnel de la Commission, ont été confisqués dès le jour du coup de force. Le processus électoral est ainsi « perturbé à une étape clef » et ne peut ni être repris, ni achevé, ont insisté les responsables de la CNE.

La conférence de presse n’a duré que quelques minutes, sans aucune session de questions-réponses, témoignant d’un climat de pression et de surveillance permanentes.

Une CEDEAO impuissante à obtenir des concessions

La veille, une délégation de haut niveau de la CEDEAO, conduite par son président en exercice Julius Maada Bio, s’était rendue à Bissau pour tenter de désamorcer la crise. L’organisation ouest-africaine avait réclamé le retour à l’ordre constitutionnel, la libération des détenus et la publication rapide des résultats.

Mais à ce stade, aucune de ces demandes n’a été satisfaite. La CEDEAO devra se prononcer de manière plus ferme lors de son sommet extraordinaire prévu le 14 décembre, qui pourrait ouvrir la voie à des sanctions ou à des mesures de médiation renforcées.

Pour la Ligue guinéenne des droits de l’homme, la prise de parole de la CNE n’a fait que confirmer la dégradation de la situation. L’organisation se dit particulièrement préoccupée par le sort des personnes encore détenues, dont l’opposant, Domingo Simoes Pereira, un membre de son équipe de campagne ainsi qu’un cadre de son parti, le PAIGC.

Le procureur général, Fernando Gomez, figure également parmi les personnalités toujours privées de liberté, ce qui ajoute à l’impression d’un appareil judiciaire neutralisé.

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Un candidat en exil, d’autres personnalités sous la menace

Dans ce climat d’incertitude, Fernando Dias, candidat de l’opposition qui revendique la victoire à la Présidentielle, a obtenu la protection du Nigeria et l’asile politique, selon Abuja. Son départ renforce l’idée que l’espace politique national est désormais verrouillé.

Pendant ce temps, les options pour une reprise du processus démocratique semblent se réduire chaque jour davantage. L’absence de résultats officiels, la confiscation des documents électoraux et la détention de figures politiques majeures posent la question cruciale : comment sortir de l’impasse sans remettre à plat tout le cycle électoral ?

Une certitude dans tout ceci : la Guinée-Bissau, un pays déjà marqué par une histoire mouvementée de coups d’État et de transitions fragiles, se retrouve à nouveau confrontée à une crise institutionnelle profonde. Jusqu’à quand ? Les militaires ont prévu une transition d’un an. Mais que vaut une telle promesse dans de pareilles conditions ? Et de quelle marge de manœuvre dispose la CEDEAO ? Le sommet extraordinaire du 14 décembre sera sans doute décisif.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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