
La Guinée-Bissau replonge une nouvelle fois dans l’incertitude politique. À la suite du coup d’État militaire du 26 novembre 2025, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé, lors d’une session extraordinaire, de suspendre immédiatement le pays de toutes ses instances. Cette mesure radicale marque la gravité avec laquelle l’organisation régionale perçoit ce nouvel épisode d’instabilité dans un pays déjà coutumier des ruptures institutionnelles.
Une réaction ferme à un contexte explosif
Réuni en urgence, le Conseil de Médiation et de Sécurité (CMS) de la CEDEAO a examiné le rapport de son Président de la Commission concernant la situation politique et sécuritaire en Guinée-Bissau. L’organisation s’est dite profondément préoccupée par le renversement du pouvoir, survenu à peine trois jours après la tenue d’élections générales qui avaient mobilisé massivement la population. Cet enthousiasme électoral, symbole d’un espoir démocratique renouvelé, a été brutalement interrompu par la prise du pouvoir par des éléments de l’armée.
La CEDEAO a condamné « avec la plus grande fermeté » cette rupture de l’ordre constitutionnel. Elle exige la publication immédiate des résultats du scrutin du 23 novembre par la Commission électorale nationale, considérant que la volonté populaire doit être restaurée sans délai. L’organisation rappelle que ses protocoles, notamment celui de 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, stipulent clairement une tolérance zéro envers les changements anticonstitutionnels.
Exigences et responsabilités des putschistes
Dans sa déclaration, la CEDEAO insiste également sur la nécessité de libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées : responsables électoraux, personnalités politiques ou tout autre individu détenu dans le cadre de la prise de pouvoir. Elle souligne que les auteurs du putsch seront tenus « individuellement et collectivement responsables » de l’intégrité physique des citoyens et des détenus.
Le CMS demande également que les observateurs électoraux, dépêchés par la CEDEAO et par d’autres missions internationales, puissent circuler sans entrave et quitter le pays en toute sécurité. Cette garantie est indispensable pour préserver la transparence du processus électoral interrompu et assurer la protection des témoins internationaux.
Une mission de médiation de haut niveau en route
Afin d’amorcer une sortie de crise, la CEDEAO a mis sur pied une mission de médiation de haut niveau. Celle-ci sera conduite par trois chefs d’État : Faure Gnassingbé (Togo), José Maria Pereira Neves (Cabo Verde) et Bassirou Diomaye Faye (Sénégal). Ils seront accompagnés du Président de la Commission de la CEDEAO. Leur mandat : dialoguer avec les différentes parties, créer les conditions d’un retour à l’ordre constitutionnel et éviter une aggravation des tensions.
Parallèlement, la Mission de Soutien à la Stabilisation de la CEDEAO en Guinée-Bissau est appelée à poursuivre sa tâche de protection des institutions légitimes et d’appui sécuritaire, malgré la situation complexe.
L’exfiltration de l’ancien Président Embaló
Au lendemain du coup d’État, une information a circulé : l’ancien Président Umaro Sissoco Embaló a été exfiltré et transporté sain et sauf au Sénégal. Le gouvernement sénégalais a confirmé l’opération, précisant qu’elle a été menée en coordination avec la CEDEAO. Cette extraction intervient alors que les dirigeants de la région, réunis virtuellement, ont unanimement condamné la tentative de prise de pouvoir par la force.
Le Sénégal, voisin immédiat et acteur central dans les dynamiques de sécurité régionales, joue un rôle déterminant dans cette crise. Son Président, Bassirou Diomaye Faye, a activement participé aux négociations internes à la CEDEAO. Dakar affirme être en contact direct avec les acteurs bissau-guinéens afin de favoriser la libération de toutes les personnalités arrêtées, y compris les compagnons d’Embaló, et d’organiser l’évacuation des observateurs internationaux restés sur place.
Un nouvel épisode dans une longue histoire d’instabilité
La Guinée-Bissau est l’un des États les plus politiquement fragiles d’Afrique de l’Ouest. Depuis son indépendance, le pays a connu une succession de coups d’État, mutineries et ingérences militaires dans la vie politique. Malgré plusieurs tentatives de réforme et d’apaisement, les tensions entre institutions civiles et militaires persistent. La décision de la CEDEAO de suspendre la Guinée-Bissau réaffirme sa volonté de maintenir une ligne dure contre les ruptures de l’ordre constitutionnel.




