2023 vue dans le rétroviseur : Guerre au Soudan et Affaires Sonko au Sénégal


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Ousmane Sonko et des soldats soudanais
Ousmane Sonko et des soldats soudanais

L’humanité égrène les dernières heures de l’année 2023 qui sera bientôt conjuguée au passé. Mais, un passé dont les répercussions continueront sans doute d’impacter le futur de nombreux pays africains. Tant le continent a été régulièrement marqué par des événements majeurs tout au long de cette année. Une succession d’événements dont Afrik.com fait le point à travers cette série d’articles. Le premier numéro de la série revient sur la guerre au Soudan et les affaires Sonko au Sénégal.

On ne saurait dresser un bilan de l’année 2023 en Afrique sans parler de la situation du Soudan déchiré par un conflit meurtrier, depuis plusieurs mois, ou encore sans s’intéresser au pays de la Teranga secoué par de vives tensions sur fond d’une saga politico-judiciaire ayant mis en scène l’opposant numéro 1 à Macky Sall, Ousmana Sonko.

L’effroyable guerre fratricide soudanaise

La situation tendue qui prévalait au Soudan depuis la chute du général Omar el-Béchir s’est totalement dégradée, le 15 avril 2023. Ce jour marque le début de la guerre entre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan et les FSR (Forces de soutien rapide) du général Mohamed Hamdan Dagalo, par ailleurs vice-président du Conseil souverain de transition. Ce conflit est la résultante des désaccords entre les deux généraux après le coup d’État du 25 octobre 2021, date à laquelle Abdel Fattah al-Burhan – en accord avec Mohamed Hamadan Dagalo – avait imposé des mesures exceptionnelles, dont l’état d’urgence qui ne sera levé que le 29 mai 2022.

Ces désaccords entre l’armée et les Forces de soutien rapide concernent surtout la réforme de la sécurité militaire et l’intégration des paramilitaires des FSR dans l’armée régulière. Mais en réalité, c’est d’une lutte de pouvoir entre les deux généraux qu’il s’agit. Au départ, la capitale, Khartoum et la ville de Bahri étaient les principaux centres du conflit qui s’est par la suite étalé sur une bonne partie du territoire.

Un conflit au conséquences désastreuses

Plusieurs cessez-le-feu sans effet ont été signés dans ce conflit qui n’est rien d’autre que l’affrontement entre deux généraux putschistes cherchant chacun à contrôler le pouvoir. Et depuis presque neuf mois, la guerre déchire le pays, avec déjà plus de 12 000 morts et 7.1 millions de déplacés dont plus de 1.2 million se sont rabattus sur les pays voisins comme le Soudan du Sud, le Tchad, l’Égypte et l’Éthiopie. Selon l’UNICEF, ce conflit a entraîné la déscolarisation de quelque 19 millions d’enfants soudanais. Plus de 14 millions d’enfants se trouvent dans une situation de besoin urgent d’aide humanitaire, selon la même institution.

Sans oublier que 3.5 millions d’enfants ont dû fuir leur foyer à cause des combats. Ce qui fait de la guerre au Soudan l’une des pires crises de déplacement d’enfants dans le monde. Des hôpitaux sont attaqués, fragilisant davantage un système sanitaire à bout de souffle face à l’afflux incessant des blessés. La situation humanitaire est désastreuse, avec des pénuries alimentaires, d’eau, de médicaments et de carburant. Selon le Programme alimentaire mondial, plus de 13 millions de dollars d’aide alimentaire destinée au pays ont été détruits, depuis le début des affrontements.

En ce mois de décembre, il ressort que les FSR ont pris un avantage certain sur l’armée, puisqu’elles contrôlent presque 90% de la capitale soudanaise, quatre des cinq grandes capitales du Darfour. La guerre au Soudan est le deuxième conflit majeur dans cette région après l’Éthiopie, en moins d’un an. Puisque la guerre du Tigré n’a pris fin qu’en novembre 2022, soit cinq mois avant l’éclatement du conflit soudanais. Ces derniers jours, les belligérants s’acheminent vers des négociations au cours desquelles les deux généraux rivaux pourraient discuter en tête-à-tête.

Le Sénégal a vibré au rythme des affaires Sonko

Depuis plusieurs mois, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko occupe l’actualité nationale au Sénégal. Tout a commencé en 2021 par une affaire d’un prétendu viol d’une employée d’un salon de massage dénommée Adji Sarr. Ainsi débuta une saga politico-judiciaire qui tiendra le Sénégal en haleine pendant plusieurs mois après une certaine accalmie entre mars 2021 et février 2023. Le 16 février 2023, Ousmane Sonko devait répondre d’autres accusations, cette fois-ci formulées contre lui par le ministre sénégalais du Tourisme, Mame Mbaye Niang : diffamation, injure publique, faux et usage de faux. En novembre 2022, l’opposant avait accusé le ministre de malversations au moment où il était au Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac). Le procès est reporté au 16 mars, mais des affrontements opposent les partisans du leader du Pastef aux forces de l’ordre : usage de gaz lacrymogènes contre jet de pierres.

Ousmane Sonko condamné dans l’affaire Mame Mbaye  Niang

Refusant de suivre un itinéraire imposé par la police pour rejoindre son domicile, Ousmane Sonko est extrait de force de son véhicule à travers les vitres brisées et conduit manu militari en sa demeure. Quelques jours plus tard, l’opposant hospitalisé accuse, dans un enregistrement vidéo, le Président Macky Sall de tentative d’assassinat à son encontre. Il déclare avoir été aspergé, au moment où les éléments des forces de l’ordre l’ont extrait de son véhicule, « d’un liquide extrêmement nocif pour la santé ». Et appelle la population sénégalaise à une grève générale et à la désobéissance civile.

Le 30 mars 2023, le verdict tombe dans cette affaire : Ousmane Sonko écope de deux mois de prison avec sursis et doit payer une amende de 200 millions de francs CFA à son accusateur. Un verdict qui ne satisfait pas toutefois pas les avocats de Mame Mbaye Niang qui feront appel. Le lundi 8 mai 2023, le nouveau verdict corse le premier. De deux, la peine de prison avec sursis passe à six mois avec la même amende. Pour Ousmane Sonko et une bonne partie de l’opposition, ce procès n’était qu’un prétexte pour empêcher un candidat sérieux de briguer la magistrature suprême, en février 2024.

Le Sénégal à feu et à sang à cause de l’affaire Adji Sarr

Tout juste quelques jours après le verdict du procès opposant Ousmane Sonko au ministre du Tourisme, le leader du Pastef devait répondre de l’affaire Adji Sarr. Ce nouveau procès devait reprendre le 16 mai 2023. Avant même son ouverture, des affrontements se déclenchent à Dakar et à Ziguinchor, ville dont le maire n’est autre personne que Ousmane Sonko lui-même. Ces affrontements du 14 mai font un mort dans les rangs de la police – le défunt a été fauché par un blindé de la police – et plusieurs blessés du côté des manifestants.

À l’issue du procès qui s’est tenu le 23 mai, le procureur a requis une peine de 10 ans de prison ferme contre Ousmane Sonko. Ce dernier, alors à Ziguinchor, décide de marcher sur Dakar à la tête d’une « caravane de la liberté », à partir du 26 mai 2023. Véritable test de popularité pour Ousmane Sonko, cette caravane a été également le théâtre d’affrontements entre les forces de l’ordre et les militants de l’opposant avec des blessés et même des morts au compteur. Tant et si bien que la gendarmerie a dû mettre fin à la caravane en arrêtant Ousmane Sonko, le 28 mai, près du village de Thiaco, dans le département de Koungheul, et escorté de force chez lui à Dakar.

Poursuivi pour « corruption de la jeunesse »

Quelques jours plus tard, le verdict du tribunal tombe dans le procès qui oppose le leader du Pastef à Adji Sarr. L’opposant écope de deux ans de prison ferme et devra verser 20 millions de francs CFA à l’ex-masseuse. Le chef d’accusation retenu contre lui est celui de « corruption de la jeunesse ». Les chefs d’accusation de viols et de menaces de mort ont été abandonnés. Tout porte à croire qu’il fallait condamner coûte que coûte un candidat très populaire qui risque de bouleverser les plans de Macky Sall pour février 2024.

Cette condamnation jette une partie de la population sénégalaise dans les rues. De violentes manifestations secouent le pays avec plusieurs morts et d’importants dégâts matériels. Dans la seule journée du jeudi 1er juin 2023, neuf Sénégalais ont perdu la vie. Des magasins comme Auchan sont attaqués. Le Sénégal s’est retrouvé dans la tourmente.

L’opposant incarcéré finit par déposer sa candidature

Le gouvernement procède à des arrestations, restreint l’accès aux réseaux sociaux. Mais, Ousmane Sonko n’est pas arrêté. Il le sera quelques jours seulement après la levée du blocus autour de sa maison, à l’occasion d’un incident avec une gendarme. Inculpé au lendemain de son arrestation, il est placé sous mandat de dépôt deux jours plus tard (le 21 juillet 2023) et son parti dissous. Ousmane Sonko essuyait ainsi sa troisième condamnation dans la seule année 2023.

Sa grève de la faim qui a mis en danger son état de santé, les nombreuses manifestations organisées dans le pays par ses partisans ne changeront rien à son statut de détenu. Au contraire, le 3 août 2023, il a été radié des listes électorales. Ce qui le rendait inéligible et donc invalidait sa candidature déjà mise à mal par deux précédentes condamnations. Mais, le 12 octobre 2023, le tribunal de Ziguinchor prononce l’annulation de cette radiation, avant que la Cour suprême ne casse cette décision. Le 14 décembre 2023, Ousmane Sonko est remis en selle par le tribunal de grande instance de Dakar. Et peut alors déposer in extremis sa candidature pour participer à une élection à laquelle Macky Sall ne participera pas. Après des mois d’un suspens inutile qui a entretenu la tension au Sénégal.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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